Recensement de la population en 1999 : la proportion d’immigrés est stable depuis 25 ans.

Par Julien Boëldieu et Catherine Borrel, Cellule Statistiques et études sur l’immigration, Insee.

Paru dans : Insee première, n° 748 novembre 2000

En mars 1999, 4 310 000 immigrés résidaient en France métropolitaine, soit 7,4 % de la population, proportion constante depuis 1975. Leurs origines géographiques sont de plus en plus diversifiées et lointaines. Le nombre des immigrés natifs de pays d’Europe diminue, celui des originaires du Maghreb augmente légèrement. Les immigrés vivent surtout dans les grandes villes et en région parisienne. Par rapport à 1990, la population immigrée a vieilli mais elle comprend plus de jeunes adultes que le reste de la population. Elle compte désormais autant de femmes que d’hommes. Les immigrés français par acquisition sont plus souvent des femmes et sont plus âgés que ceux restés étrangers. Plus d’un immigré sur trois est de nationalité française.

La notion d’immigré repose sur les déclarations de lieu de naissance et de nationalité. Un immigré est une personne née à l’étranger, mais qui ne possédait pas la nationalité française à sa naissance. Après son arrivée en France, il peut devenir français par acquisition (immigré français) ou garder sa nationalité (immigré étranger). Les personnes nées françaises à l’étranger sont donc exclues de cette définition. En mars 1999, 4 310 000 immigrés ont été recensés, soit 7,4 % de la population métropolitaine. Entre 1990 et 1999, le nombre d’immigrés a augmenté de 145 000 (+ 3,4 %), au même rythme que l’ensemble de la population.

Les pays d’origine des immigrés sont de plus en plus lointains.

En 1999, les immigrés originaires d’un pays de l’Union européenne à 15 sont 1,6 million, soit 9,3 % de moins qu’en 1990. Cette diminution est le fait des populations traditionnellement les plus nombreuses, issues des vagues d’immigration anciennes. Ainsi les personnes originaires d’Espagne, d’Italie ou du Portugal sont 210 000 de moins qu’au précédent recensement. Au contraire, le nombre d’immigrés originaires d’un autre pays de l’Union européenne est en augmentation : 300 000 immigrés sont natifs d’un pays d’Europe hors U.E. La part des immigrés venus de l’ensemble de l’Europe est en constante baisse (57 % en 1975, 49 % en 1990, 45 % en 1999). Les immigrés natifs du Maghreb sont 1,3 million soit 6% de plus qu’en 1990. Cette augmentation est due pour trois quarts aux originaires du Maroc. Les personnes venant du reste du monde augmentent en nombre et en proportion au sein de la population immigrée. En 1999, elles sont 1,1 million ; elles n’étaient que 850 000 en 1990. Leur part, qui était de 15 % en 1982, est passée à 20 % en 1990 et à 25 % en 1999. Elles sont nées en Turquie (16 %), dans d’autres pays d’Asie (35 %) et d’Afrique subsaharienne (37 %). Le nombre des immigrés natifs d’un pays d’Afrique subsaharienne est de 400 000.

Les immigrés sont citadins.

En mars 1999, une grande partie (37 %) de la population immigrée réside en Île-de-France, chiffre en légère augmentation depuis le dernier recensement. Rhône-Alpes et Pro-vence-Alpes-Côte d’Azur sont les deux autres régions qui accueillent le plus d’immigrés (11 % et 10 %). Les trois régions les plus peuplées rassemblent ainsi près de 60 % des immigrés habitant en France. Entre 1990 et 1999, la proportion d’immigrés dans la population a augmenté en Île-de-France et en Alsace, atteignant 14,7 % et 8,6 %. En revanche, elle a diminué dans quatre régions, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Pro-vence-Alpes-Côte d’Azur. Elle y demeure cependant supérieure à la moyenne nationale (de 8% à10% contre 7,4 %). Dans seize départements, le pource-tage d’immigrés est inférieur à 2,5 (le tiers de la moyenne nationale). Il s’agit des départements des régions Bretagne, Pays de la Loire et Basse-Normandie, ainsi que de la Creuse, du Cantal, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime. La proportion d’immigrés dépasse 10 % dans tous les départements d’Île-de-France, dans les Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Orientales et la Corse-du-Sud. À Paris, plus d’un habitant sur six est immigré, plus d’un sur cinq en Seine-Saint-Denis. La population immigrée est citadine et très concentrée dans les grandes villes. Près de deux immigrés sur trois habitent une unité urbaine de plus de 200 000 habitants, Paris compris. Ils sont peu nombreux à vivre dans les communes rurales (3 %). Par ailleurs, la proportion d’immigrés s’accroît avec le nombre d’habitants de l’unité urbaine. Leur part est de 8 % dans les villes de plus de 200 000 habitants et de 16 % en agglomération parisienne.

La féminisation de la population immigrée se confirme.

L’augmentation de la population immigrée est entièrement le fait des femmes (+ 7,2 %). La féminisation avait débuté au milieu des années soixante-dix avec le développement des mesures facilitant le regroupement familial. L’effectif masculin reste stable. L’équilibre hommes-femmes est désormais atteint alors que, pour des raisons liées à l’histoire de l’immigration, la population immigrée avait toujours été majoritairement masculine. La structure par âge de la population immigrée diffère de celle de l’ensemble. Les jeunes sont peu nombreux, puisque, par définition, les immigrés ne naissent pas en France. Les moins de 20 ans représentent le quart de l’ensemble de la population et 8 % seulement de la population immigrée. La moitié des immigrés ont entre 30 et 55 ans, contre un tiers de l’ensemble des résidents.

Un quart de la population immigrée a plus de 60 ans. Cette proportion n’est que d’un cinquième dans l’ensemble de la population. La classe d’âges où les hommes sont le plus nombreux se situe entre 47 et 52 ans. Elle est entre 40 et 45 ans pour les femmes. Il y a autant de femmes que d’hommes à chaque âge avant 20 ans. Les femmes sont majoritaires aux âges adultes jeunes (20-45 ans). Ensuite la part des hommes devient prépondérante jusqu’à 75 ans

Entre 1990 et 1999, la population immigrée a nettement vieilli. Le nombre des moins de 20 ans a beaucoup diminué (- 22 %). La part des personnes âgées de 40 ans ou plus augmente plus que les autres (+ 15 %). Cette augmentation est nette pour les hommes immigrés âgés de 60 ans ou plus (+ 17 %), issus de l’immigration de main-d’œuvre des années cinquante et soixante. Elle est encore plus importante pour les femmes de 40 à 59 ans (+ 32 %) et traduit un vieillissement des femmes immigrées arrivées en France après 1975 au titre du regroupement familial, ainsi qu’une féminisation des flux d’entrée sur le territoire.

Les immigrés français sont majoritairement des femmes.

En 1999, 1,5 million d’immigrés sont de nationalité française, soit 36 % de l’ensemble. La proportion d’immigrés devenus français varie fortement selon le pays d’origine. Les immigrés français par acquisition sont plus souvent des femmes (55 %). 3,2 millions d’étrangers vivent en France. La population immigrée ne se confond pas avec la population étrangère. La notion de population étrangère est fondée sur le seul critère juridique de la nationalité : toute personne résidant en France ayant déclaré au recensement une nationalité autre que la nationalité française est considérée comme étrangère. La composition de la population est très mouvante dans le temps : elle varie en fonction des mouvements d’acquisition de la nationalité française. En mars 1999, 3 260 000 étrangers résidaient en France métropolitaine soit 5,6 % de l’ensemble de la population ; 85 % d’entre eux sont nés à l’étranger et sont donc immigrés, soit un effectif de 2 750 000.

Les étrangers nés en France sont au nombre de 510 000 . Entre 1990 et 1999, la population étrangère a diminué de 9 %. Cette baisse est plus sensible pour les hommes (-12,6 %) que pour les femmes (- 5,6 %). Ainsi l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes diminue. Même si la population étrangère reste en majorité masculine, le rééquilibrage amorcé après 1975 se poursuit : la part des femmes atteint 47 % en 1999, contre 45 % en 1990 et 40 % en 1975. Entre 1990 et 1999, le nombre d’étrangers nés hors de France a baissé de 110 000. Les acquisitions de nationalité française et la mortalité ont contribué à réduire l’effectif de cette population d’environ 740 000 (550 000 acquisitions de nationalité française et 190 000 décès). Il serait donc entré environ 630 000 étrangers nés hors de France de plus qu’il n’en est parti.

Ce déséquilibre s’accentue avec l’âge : aussi nombreuses que les hommes avant 20 ans, les femmes représentent 59 % de la population immigrée française âgée de 60 ans ou plus. L’acquisition de la nationalité française nécessitant en général au moins cinq années de résidence en France, il est logique que la part des Français par acquisition dans la population immigrée augmente avec l’âge. De plus, le départ du territoire métropolitain est probablement davantage le fait d’immigrés restés étrangers. La part des Français par acquisition est du quart pour les moins de 40 ans, du tiers entre 40 et 59 ans et de la moitié au-delà de 60 ans. Entre 1990 et 1999 le nombre des immigrés français par acquisition âgés de 40 à 55 ans a beaucoup augmenté (+ 51 %). En revanche, il a diminué pour les 60 ans ou plus (- 2,4 %). La part des immigrés français dans l’ensemble de la population augmente avec l’âge. Ils représentent 2,7 % de l’ensemble de la population, mais 4,2 % des plus de 60 ans. Les immigrés étrangers sont plus jeunes : 4,7 % dans l’ensemble de la population, ils sont 6,3 % des 20-59 ans et 4,1 % des plus de 60 ans Le nombre d’hommes et de femmes immigrés restés étrangers est à peu près le même quel que soit l’âge jusqu’à 45 ans. Au-delà, la population est à dominante masculine, l’écart se creusant particulièrement entre 50 et 60 ans (62 % d’hommes). Au total 53 % des immigrés étrangers sont des hom-mes. Le nombre d’immigrés étrangers a diminué de 4 % depuis 1990. Cependant il a augmenté pour les 60 ans et plus (+ 29 %), particulièrement chez les hommes (+ 35 %). La progression de l’effectif des femmes de 40 à 55 ans est également très marquée (+ 30 %) et illustre la féminisation des flux d’immigration.

Pour comprendre ces résultats.

Le recensement de la population a été réalisé en mars 1999. Les données sont issues de l’exploitation principale des bulletins individuels du recensement, qui ont été remplis par les personnes elles-mêmes. Les informations recueillies sont donc déclaratives. La nationalité, celle des enfants nés en France en particulier, n’est pas toujours déclarée au recensement telle qu’elle est en droit. En 1990, le nombre de personnes nées en France qui ont été recensées à tort comme étrangères est d’environ 130 000. En contrepartie, environ 130 000 enfants mineurs ont été déclarés français à tort. Globalement, à l’échelon national les erreurs se sont compensées. Dans cette étude, les données concernent les individus résidant en France métropolitaine. On distingue les individus de nationalité française et les individus étrangers en regardant la nationalité déclarée sur le bulletin individuel. La population étrangère est composée des individus ayant déclaré une nationalité autre que la nationalité française. La composition de la population étrangère présente la caractéristique d’être mouvante dans le temps. Sa définition renvoie en effet à une situation qui peut être modifiée. Selon les dispositions prévues par la législation, un étranger peut obtenir la nationalité française. Il devient français par acquisition et sort de la population étrangère. Dans la population des individus possédant la nationalité française, les Français par acquisition sont distingués statistiquement des Français dits « de naissance », titulaires de la nationalité française dès leur naissance. Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger. Après quelques années de résidence, certains immigrés ont pu devenir français par acquisition, les autres restant étrangers. La définition de la population immigrée se référant à une caractéristique invariable, le lieu de naissance, un individu né étranger à l’étranger continue d’appartenir à la population immigrée même si sa nationalité change. En d’autres termes, la population immigrée recouvre les individus nés à l’étranger qui se sont déclarés français par acquisition ou étrangers, et les acquisitions de nationalité n’affectent pas son chiffre. Par définition, les enfants nés en France de parents immigrés ne font pas partie de la population immigrée. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas du tout, un immigré n’est pas nécessairement un étranger, et réciproquement : des immigrés sont français par acquisition, des étrangers sont nés en France même si elles ont des individus en commun les personnes nées à l’étranger possédant une nationalité étrangère.

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