Saint Jean de la CROIX : « La nuit obscure »

Editions du Seuil, 1984. Collection Points, série Sagesses. 219 p.

Présentation de Jean-Pie Lapierre. Traduit de l’espagnol par le père Grégoire de Saint Joseph.

« Plus les choses divines sont en soi claires et manifestes, plus elles sont naturellement obscures et cachées à l’âme. Il en est ici comme de la lumière naturelle : plus elle est claire, plus elle éblouit et obscurcit la pupille du hibou ; plus on veut fixer le soleil en face, et plus on éblouit la puissance visuelle et on la prive de lumière ; cette lumière dépasse la faiblesse de l’œil. De même quand cette divine lumière de la contemplation investit l’âme qui n’est pas encore complètement éclairée, elle produit en elle des ténèbres spirituelles, parce que non seulement elle la dépasse, mais parce qu’elle la prive de son intelligence naturelle et on obscurcit l’acte. Voilà pourquoi saint Denis et d’autres théologiens mystiques appellent cette contemplation infuse un rayon de ténèbres. »

Saint Jean de La Croix


Biographie

Saint Jean de la CROIX a été un grand instructeur spirituel espagnol, contemporain et ami de Ste Thérèse d’Avila ; mystique, réformateur et poète, il a laissé une forte emprunte.

Sa vie

Juan de Yepes est né en Castille en 1542, à Fontiveros. Il perd son père très tôt, ce qui entraîne sa famille dans la misère.

Il fait d’abord ses études au collège des Jésuites. Il est très doué pour la peinture et la poésie. En 1563, il entre au couvent des Carmes et prend le nom de frère Jean de Saint-Mathias. Il fait des études à Salamanque et est ordonné en 1567.

Il rencontre alors Thérèse d’Avila, et ce sera une étroite collaboration entre les deux saints pour la réforme du Carmel, doublée d’une profonde amitié. Il quitte le drap des mitigés pour la bure de la réforme et prend le nom de Jean de la Croix. En 1572, il est envoyé à Avila comme confesseur du monastère des carmélites mitigées de l’Incarnation, dont Thérèse avait dû accepter la charge de prieure. Le nonce (ambassadeur du pape) Ormaneto, défenseur de la réforme, meurt en juin 1577 ; la querelle entre réformés et mitigés se trouve relancée et se traduit, dans la nuit du 2 au 3 décembre 1577, par l’enlèvement de Jean de la Croix. Il est emprisonné au couvent de Tolède, dans un trou de 2 m par 3, ne sort que pour les repas (pain et eau) pris à genoux par terre au milieu du réfectoire et est fouetté tous les vendredis par les frères.
Un beau jour, son gardien est remplacé par le frère Jean de Sainte Marie, qui lui procure du papier, de l’encre, puis du fil, une aiguille et des ciseaux. C’est grâce à lui que Jean de la Croix va pouvoir écrire dans un premier temps, puis s’enfuir plus tard. Il compose dans ces conditions difficiles quelques-uns de ses plus beaux poèmes, en particulier le Cantique spirituel. Le 15 août 1578, ayant reçu de la Vierge Marie la certitude de fuir, il s’évade et reprend sa place parmi les réformés, d’abord au couvent du Calvario.
De 1582 à 1588, il est prieur du couvent des Martyrs à Grenade et va produire une grande partie de son œuvre.

Ses adversaires sont cependant tenaces, y compris parmi ses proches, et quand, en 1583, Thérèse d’Avila meurt, ils ont les coudées plus franches, et l’envoient avec d’incessantes missions de couvents en couvents, ce qu’il accepte toujours avec une égale humeur, le Mexique est même envisagé pendant quelques temps. Il part alors avec un âne et un fidèle compagnon qui deviendra un ami. Il fait de nombreuses haltes dans la nature, des marches dans la montagne, des méditations au milieu des fleurs.
Sentant sa fin proche, il brûle de nombreux documents ; il meurt épuisé à 49 ans, le 14 décembre 1591, à Ubeda.

Il sera béatifié en 1675, canonisé en 1726 et docteur de l’Eglise en 1926.

Son œuvre

Elle est réduite, car une grande partie a été détruite par lui-même. Mais ce qui reste est un chef-d’œuvre. Il s’agit essentiellement de :

- cinq poèmes,
- cinq gloses (commentaires et explications des poèmes),
- dix romances.

Les trois poèmes les plus importants sont :

- le Cantique spirituel, écrit, au moins partiellement, en prison à Tolède, en 1578, inspiré du Cantique des Cantiques,
- la Nuit obscure, considéré comme le chef-d’œuvre, écrit peu après son évasion, fin 1578,
- Flamme d’amour vive, composé à Grenade, en 1585.

L’enseignement de Jean de la Croix traite de l’union de l’âme avec Dieu, qu’elle soit le fruit de la démarche de l’ascension vers Dieu, ou de l’initiative divine dans la purification des sens et de l’esprit.
Il est plus basé sur l’Ancien Testament que le Nouveau. Mais il est tiré aussi de son expérience personnelle. En particulier, il avertit des « imperfections dans lesquelles tombent ordinairement les commençants … ».

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