Simone SAUSSE : Le miroir brisé. L’enfant handicapé, sa famille et le psychanalyste

Calmann-Lévy, 1996, 203 p.

Par Andrea JÁNOSI

CHAPITRE 6 : L’enfant créateur de mythes. Histoire, mémoire et psychothérapie

J’ai choisi de parler de ce chapitre parce que je m’intéresse à l’enfant en situation de handicap lui-même, à travers la description de la psychanalyste Simone Sausse.

Ce chapitre est constitué de cinq sous-parties. Nous pouvons suivre l’évolution psychique active d’Arthur accompagné par le spécialiste du début à la fin de la cure. Cette analyse diffère de celles classiques, car il s’agit d’un patient atteint d’un handicap. Toutefois, avec une plus grande application et sensibilité, on peut avoir autant de résultats. L’enfant parvient rapidement à se représenter lui-même individuellement en psychothérapie, sans la présence de sa mère.

L’auteur est la psychanalyste qui raconte sa perception concernant l’un de ses patients, à la base de ses notes précises sur chaque séance. Arthur, à l’arrivée dans son cabinet, est un bébé âgé de vingt mois. D’habitude, les patients handicapés, souvent de très jeune âge, restent plus ou moins longtemps en thérapie psychanalytique, puis ils changent de thérapeute. Ce petit garçon suit un traitement psychanalytique durant deux ans environ.

C’est un des chapitres où l’auteur s’arrête, prend son temps pour raconter l’histoire de ce petit enfant. Elle garde un ton calme, avec les mots les plus simples, (contrairement aux auteurs des extraits de notes de bas de page), sauf les citations de son patient. Lui, il se révolte, il s’oppose à la dépendance de l’adulte, il crie dans son désarroi et sa désorientation. Puisque son corps et ses capacités intellectuelles apparemment l’enferment, le retiennent. Néanmoins, l’écoute attentive et bienveillante de la psychanalyste peut le comprendre, elle le fait s’ouvrir, évacuer cette douleur profonde, et ainsi le faire progresser.

Attendu que la sublimation symbolique des éléments de cette réalité traumatique, les jeux (camion cassé, bébé-avion, crayons pareils), la construction imaginaire, l’enfant-objet, qui se regarde à la troisième personne, devient interprète de son sort, il réussit à prendre du recul, et ainsi s’ouvre lui-même à son avenir. Il réussit à surmonter ce moment, et le « il » ne se double pas sur un mode psychotique, mais évolue vers « me », « je ». Le passé, ses vécus traumatiques néonatals deviennent une belle histoire. D’autant plus, que ce progrès se réalise à ce très jeune âge, dans son langage, maîtrise des émotions et même du corps.

La psychanalyste-auteur cite des exemples concrets par son personnage, Arthur, même s’ils ne peuvent pas être formels, car la confidence de la profession l’interdit. Elle fait témoignage de son travail global, de son expérience longue en tant que psychanalyste, avec des remarques de validité générale.

Dès le premier moment, l’auteur insiste sur l’asymétrie relationnelle vis-à-vis de l’enfant, sa situation assujettie. Le cheminement de Sausse est le point de vue de l’enfant, elle fait tout pour le soulever au niveau de l’adulte, effacer le décalage, sans vouloir pour autant changer la situation par rapport au handicap. Ensuite, il y a un décalage énorme entre soi et ses possibilités de s’exprimer. Ensemble ils vont réussir à accepter et assumer cet état, ce destin. L’enfant souffre d’une grave infirmité motrice cérébrale depuis sa naissance. Il comprend, et il fait comprendre à son thérapeute, qu’il n’est pas là pour être réparé, mais pour déchiffrer son cas, réussir à entamer des modalités de communication avec son milieu. La vie psychique de l’enfant est d’autant plus primordiale à prendre en analyse, qu’il souffre, malgré l’étiologie biologique du handicap.

L’approche de l’auteur est très variée. Elle ne s’arrête pas à une réflexion occidentale. Ici, nous pouvons renaître psychiquement à une étape atteinte dans la vie. Elle s’ouvre à d’autres traditions, celles orientales des vies antérieures, devenir par là « maître de sa destinée ».

L’unicité de chaque enfant, individu est importante pour la thérapeute. Elle se laisse surprendre sans préconçu ou diagnostique, malgré son expérience de quinze ans. Chaque personne révèle en elle le contre-transfert à sa singularité.

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