Paris : Éditions du CTHS ; 2010. Prix éditeur n° 24.
Slimane TOUHAMI est anthropologue et chercheur associé au Centre d’anthropologie sociale (Ehess-Université Toulouse le Mirail). Ses travaux portent sur les relations entre mémoire et identité chez les héritiers de l’immigration post-coloniale en France.
Cet ouvrage rend compte de l’existence « derrière les murs fatigués d’une barre HLM, d’un enchantement qui, en bien des points, confine à la poésie ». À travers les discours et les gestes destinés à parer les menaces de l’Invisible, l’auteur nous fait découvrir une culture urbaine à la croisée des mondes. Par l’intermédiaire des femmes, et plus particulièrement des mères, il montre comment ces dernières sont à la fois les garantes d’une tradition séculaire et les passeuses de nouvelles façons d’être en exil, entre la France et le Maghreb.
[MOT DE L’AUTEUR]
Cet ouvrage traduit le souci d’approcher l’expérience culturelle qui se tisse, jour après jour, dans le « Maghreb de France », cette diaspora née des vagues de migration du siècle dernier. A travers l’exemple de la relation à l’aïn – l’il, la fascination dans l’espace nord-africain, l’une des figures du malheur les plus couramment évoquées – il s’agit d’éclairer le lien entre des acteurs et une forme religieuse inscrite dans l’héritage culturel. Par un effort de recension des façons de faire et de penser, l’enquête ethnographique dans les quartiers populaires toulousains, cadre spatial de l’étude, permet d’accéder à un réel riche et complexe, révélant, à l’heure du retour d’un culturalisme obtus, des modes d’expressions dynamiques ouverts au changement.
Saisir la place de l’aïn en France, c’est nécessairement interroger des femmes qui s’imposent comme celles qui portent et mettent en pratique les savoirs. S’il renseigne sur les rôles féminins en exil, l’il rend également compte d’autres aspects du quotidien des migrants et de leurs enfants. L’évocation du maléfice ouvre une lucarne sur le religieux, la parenté, la jeunesse et l’identité tels qu’ils se redéfinissent par-delà la mer. Ainsi s’esquissent, à travers la référence au regard mauvais, les contours d’une présence qui cultive sa part de singularité tout en participant à faire France.