Stéphanie LARCHANCHÉ : « Anxiétés culturelles et régulation institutionnelle : Santé mentale « spécialisée » et « souffrance immigrée » »

Thèse de Doctorat en Anthropologie Sociale et Ethnologie soutenue le 8 juin 2010. Washington University in St. Louis, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) Paris, 2010. Langue : anglais, avec résumé substantiel en français. 295 p.

Titre original : « Cultural anxieties and institutional regulation : « Specialized » Mental Healthcare and « Immigrant Suffering » in Paris, France ». Thèse dirigée par Carolyn SARGENT et Didier FASSIN.

JURY : John Bowen – Ahmet Karamustafa – Rebecca Lester – Richard Rechtman – Brad Stoner – Mahamet Timera.

Stéphanie LARCHANCHÉ est Docteur en Anthropologie, responsable de la recherche au Centre F. Minkowska.

RÉSUMÉ FRANÇAIS

Cette thèse a pour objet l’expertise en santé mentale spécialisée telle qu’elle se pratique en France et analyse la prise en charge institutionnelle et les représentations de la différence culturelle dans ce pays aujourd’hui. Par santé mentale « spécialisée », je fais référence aux structures qui s’adressent aux immigrés en leur offrant des soins de santé mentale qui prennent en compte les représentations culturelles de la souffrance. J’identifie et étudie en particulier trois modes d’expertise et de traitement des troubles : la psychiatrie transculturelle, l’anthropologie médicale clinique, et la médiation ethnoclinique.
En proposant une généalogie des institutions de santé mentale spécialisée, et en appréhendant ces dernières comme « nœuds méta-discursifs » – autrement dit, comme points de rencontre entre idéologies étatiques, institutionnelles, et individuelles – je propose une analyse des anxiétés culturelles, des contradictions, et des double contraintes qui relèvent de l’opposition entre une idéologie républicaine universaliste et régulatrice, et un champ d’expertise qui s’efforce de promouvoir des soins de santé mentale sensibles aux particularismes culturels dans l’expression des troubles.
Je soutiens que, en tant qu’elle se situe à l’intersection de « la question immigrée » et de « la question sociale », la « souffrance immigrée » (Sayad, 2004) est devenue le moyen d’exprimer les « difficultés » des immigrés – qu’elles soient liées à la santé mentale ou aux problèmes d’ordre structurel – en termes de différence culturelle. Par conséquent, les représentations culturelles qui stigmatisent les immigrés sont intériorisées, rendant difficile l’identification et la prise en charge des inégalités structurelles qui engendrent effectivement la souffrance.

Mots-clés : Santé Mentale, Immigration, Analyse des institutions, Expertise culturelle, Santé, Immigrés, Transcultural Psychiatry, Clinical Medical Anthropology, Ethnoclinical Mediation, Souffrance Sociale, France, Idéologie Républicaine, Culturalisme, Différentiation, Représentations Sociales.

ENGLISH SUMMARY

This dissertation looks at “specialized” mental healthcare expertise in France as a lens through which to address the institutional management and representations of cultural difference in France today. By “specialized” mental healthcare centers, I refer structures that provide culturally-sensitive mental health services to immigrants specifically. I identify and explore three contemporary expert approaches : namely, transcultural psychiatry, clinical medical anthropology, and ethnoclinical mediation.
By providing a genealogy of specialized mental healthcare institutions, and by construing them as “meta-discursive nodes”-that is, as points of encounter between state, institutional, and individual ideologies-I provide an analysis of the cultural anxieties, contradictions and double-binds that arise from the opposition between a regulative, universalist republican ideology, and a field of expertise which strives to promote culturally-sensitive mental healthcare for immigrants.
I argue that, as a product of the conflation of the “immigrant issue” (la question immigrée) and the “social issue” (la question sociale), “immigrant suffering” (Sayad, 2004) has become a medium that problematically couches immigrants’ “difficulties”- whether they relate to mental health pathology or structural problems-in terms of cultural difference. As a result, generic cultural representations of immigrants are uncritically reproduced, making it difficult to identify and address the structural inequalities that do engender suffering.

Key words : Mental Health, Immigration, Institutional Analysis, Cultural Competence, Immigrant Health, Transcultural Psychiatry, Clinical Medical Anthropology, Ethnoclinical Mediation, Social Suffering, France, Republican Ideology, Cultural Stigmatization, Discrimination.

- Résumé détaillé de la thèse de Stéphanie Larchanché dans : TranSfaire & Cultures, revue d’anthropologie médicale clinique, n° 3 « Psychiatrie sociale : Les déterminants sociaux de la maladie mentale » : rubrique Tribune des Chercheurs, pp. 97-106.

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