Sylvain AUROUX : Histoire des idées linguistiques, 1, 2 et 3

Pierre Mardaga, 1995 et 2000

Sylvain Auroux, qui a organisé l’ Histoire des Idées Linguistiques, est directeur de recherche au CNRS. Il est responsable de l’Equipe d’Histoire des Théories Linguistiques à l’Université Paris VII.

L’Histoire des Idées Linguistiques a pour but de retracer le développement des conceptions et connaissances concernant le langage naturel, depuis leur origine jusqu’aux années trente de notre siècle. Selon un plan concerté – dans un langage clair et accessible aussi bien au philosophe, à l’historien et au linguiste qu’à un public cultivé – des spécialistes exposent, de première main, le contenu et l’évolution des savoirs linguistiques dans la plupart des grandes traditions culturelles.

La Naissance des Métalangages, premier des trois volumes que comprendra l’Histoire des Idées Linguistiques, est consacré à l’apparition de la réflexion sur le langage, depuis le savoir inconscient qui préside à tout échange langagier jusqu’aux mythes, qu’il s’agisse de ceux que l’on trouve chez les Indiens d’Amérique ou chez les Hébreux. Peu à peu, les représentations se codifient et donnent naissance à des corps de dïctrine. On suit chez les Babyloniens, les Egyptiens, les Grecs, les Romains, les Arabes, les Hébreux, dans la tradition de l’Inde (sanskrit et tamoul), de la Chine et du Japon, la diversité des conceptualisations possibles.

Le développement de la grammaire occidentale, second des trois volumes que comprendra l’Histoire des Idées Linguistiques, couvre une période qui va du cinquième siècle de notre ère au premier tiers du dix-neuvième siècle. Il est centré sur le processus de grammatisation. Par grammatisation, nous entendons la création d’outils linguistiques – grammaires et dictionnaires – pour une langue quelconque et, plus généralement, pour l’ensemble des langues du monde. Ce processus n’a pas seulement changé l’écologie de la communication ou provoqué le remaniement, par la grammaire générale, des généralisations produites par la grammaire spéculative médiévale. Pour les sciences du langage occidentales, il est l’équivalent de ce que la mathématisation galiléenne est à la physique. Aucune autre tradition n’a entrepris de décrire et de dominer intellectuellement la diversité des langues avec ses catégories construites à usage domestique. C’est à partir des résultats de la grammatisation qu’a pu naître autant l’histoire et l’apparentement des différentes langues que le projet d’une science linguistique qui survit jusqu’à nous.

L’hégémonie du comparatisme, troisième et dernier volume de L’Histoire des idées linguistiques, couvre une période qui va du premier tiers du XIXème siècle au premier tiers du XXème. Il est centré sur la constitution du métier de linguiste qui accompagne la création du système universitaire moderne. Cette institution a donné lieu à un développement théorique inédit reposant sur la manipulation d’un grand nombre de données que permettaient à la fois le mouvement de grammatisation entamé à la Renaissance et la participation d’un personnel nombreux. C’est du programme des comparatistes et des historiens des langues, devenu hégémonique avec la génération des néogrammairiens, et des « crises des fondements » qu’ont connue les sciences du langage que naîtra la problématique linguistique du vingtième siècle.

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