Troubles anxieux et troubles de l’adaptation chez l’enfant et l’adolescent

Extrait du cours du Service de Pédopsychiatrie du CHU d’Angers – Module 3 : « Maturation et Vulnérabilité », Item n° 41. Enseignants : Pr. P. DUVERGER et Dr J. MALKA.

OBJECTIFS :

- Savoir diagnostiquer des manifestations d’anxiété aiguë et chronique.
- Savoir apprécier leur retentissement sur la vie du sujet.
- Savoir diagnostiquer des troubles de l’adaptation chez l’enfant et l’adolescent.
- Argumenter les principes du traitement et de la surveillance.

1°/ LES TROUBLES ANXIEUX

La terminologie anglo-saxonne des « troubles anxieux » est essentiellement pragmatique et descriptive. La classification américaine (DSM4), athéorique, décrit ainsi plusieurs formes de troubles anxieux sans en référer à une quelconque étiopathogénie ou psychopathologie.

La classification internationale des maladies mentales décrit aussi ces troubles comme les « troubles émotionnels débutant dans l’enfance et l’adolescence ».

La classification française reste, quant à elle, très attachée à la notion de névrose et distingue l’inquiétude, l’anxiété et l’angoisse en les resituant dans le développement psychoaffectif de l’enfant et de l’adolescent. Si l’angoisse est une rupture dans la trame psychique de l’enfant, traduisant l’émergence de l’incompréhensible, l’anxiété apparaît comme un signal, une alerte et un essai plus ou moins réussi pour rétablir une certaine cohérence psychique.

Les manifestations anxieuses labiles, changeantes, peuvent être le signe d’une souffrance psychique transitoire qui s’inscrit de façon tout à fait physiologique dans le développement mais elles peuvent aussi signer une organisation pathologique de la personnalité qui est en train de se développer de façon non harmonieuse. Ainsi, chez l’enfant, les symptômes peuvent se succéder ou se combiner. S’ils se fixent et se pérennisent, ces troubles anxieux peuvent favoriser la survenue de troubles de l’adaptation.

2° / LES TROUBLES DE L’ADAPTATION

Dans les classifications internationales, ils constituent des états de détresse et de perturbation émotionnelle entravant habituellement le fonctionnement et les performances sociales. Ces troubles surviennent au cours d’une période d’adaptation à un changement existentiel important ou en réponse (différée ou prolongée) à un événement stressant (de courte ou de longue durée).

La prédisposition et la vulnérabilité individuelles jouent un rôle important dans la survenue de ce trouble et de sa symptomatologie. L’état de stress post-traumatique en est l’illustration classique.

Troubles anxieux et troubles de l’adaptation sont parfois intimement liés chez l’enfant. Il convient cependant de distinguer les troubles d’origine intrinsèque et liés à une organisation intra-psychique (troubles névrotiques) et les troubles d’origine extrinsèque avec des symptômes réactionnels (troubles de l’adaptation).

Selon les classifications, les références et les modèles théoriques auxquels on se réfère, la terminologie peut varier. Pour autant, quel que soit le trouble présenté par l’enfant, il importe de le dépister tôt et de mettre en place un traitement précoce afin d’éviter que le trouble ne s’installe et se fixe durablement, grevant l’avenir psychique de l’enfant.

LES TROUBLES ANXIEUX

1°/ Définitions

Peur : liée à un objet ou une situation précise, soit du fait de l’éducation, soit du fait de l’expérience. Elle s’inscrit dans le développement normal de tout sujet. C’est plutôt son absence qui serait pathologique chez l’enfant.

Anxiété : l’anxiété est un affect pénible, ce n’est pas une maladie. C’est un état caractérisé par un sentiment de peur anticipant un événement menaçant. L’émergence anxieuse peut constituer la porte d’entrée dans la majorité des troubles psychopathologiques. L’anxiété est alors rarement isolée.

Angoisse : l’angoisse est une sensation d’extrême malaise accompagnée de manifestations somatiques neurovégétatives. Son vécu pénible exprime une insécurité, une menace liée à un danger indéterminé. L’angoisse est consubstantielle à toute vie et, très précocement, l’enfant s’inquiète de l’inconnu.

Anxiété et angoisse sont des composantes normales du développement. Au cours de la structuration de la personnalité de l’enfant et de l’accès à son identité, ces manifestations gênantes, douloureuses sont fréquentes (ex : angoisse de l’étranger (8ème mois), anxiété de séparation, cauchemars…). Elles font partie du processus maturatif de l’enfant.

En revanche, la pérennisation des troubles anxieux, la répétition et leur organisation sur un mode pathologique (phobie, inhibition, obsession…) peuvent entraver le développement et la maturation de l’enfant, dès le plus jeune âge.

La valeur psychopathologique de ces troubles anxieux varie selon les théories auxquelles on se réfère (psychanalyse, cognitivisme, théories familiales systémiques…). Enfin, la validité d’une délimitation catégorielle des différents troubles anxieux est posée, compte tenu du chevauchement fréquent des symptômes anxieux et du caractère instable de certains troubles au fil du temps.

2°/ Description clinique

– Etats anxieux

a) Anxiété généralisée

Sa prévalence est de 3 à 7 % avec une incidence plus élevée chez les premiers-nés et les enfants uniques. L’enfant vit en permanence avec un sentiment vague d’appréhension, une inquiétude globale et un sentiment de tension, comme si quelque chose de terrible allait survenir. Il existe une peur excessive face aux événements futurs. Ces enfants, volontiers très consciencieux, présentent fréquemment :
- des plaintes somatiques répétées,
- une fatigabilité, des difficultés de concentration,
- des troubles du sommeil,
- une irritabilité, des colères, des refus,
- des exigences et des caprices,
- un besoin d’être rassuré en permanence par l’adulte, devant rester à proximité,
- une inquiétude sur l’avenir, des préoccupations que puissent arriver des événements catastrophiques.

Des épisodes aigus (crises de panique) peuvent survenir sur ce fond anxieux, notamment lors de certaines situations (entrée à l’école, déménagement, séjours de vacances…).

b) Anxiété de séparation

Il s’agit du trouble anxieux le plus fréquent chez jeune enfant. Sur le plan épidémiologique, sa prévalence est de 2 à 8 % des enfants pré-pubères. L’anxiété de séparation est présente dès les premiers mois de vie avec un pic vers l’âge de 11 ans, à l’entrée en 6ème. Elle est souvent en relation avec des liens anxieux enfant-parents. Normale dans les premières années de vie, l’anxiété de séparation ne devient un trouble que lorsqu’elle est excessive et empêche l’épanouissement de l’enfant et son ouverture sur le monde extérieur. Le symptôme essentiel est une angoisse excessive lorsque l’enfant se sépare des personnes auxquelles il est attaché et/ou lorsqu’il est éloigné des siens. Parfois, existe une anticipation de la séparation avec une angoisse se majorant progressivement pour atteindre son paroxysme au moment de la séparation. Cette anxiété excessive se manifeste par :
- des pleurs et des crises de colère, une résistance active à la séparation,
- des manifestation somatiques (céphalées, nausées, douleurs abdominales…),
- des ruminations avec perception d’un danger, d’une menace (mal définie…),

S’y associent de fréquents cauchemars et des attitudes de régression : quête permanente et excessive d’attention, besoin d’être toujours en contact avec le parent, demande de dormir dans la chambre parentale…

c) Crise d’angoisse aiguë / Trouble panique

Plus rare chez l’enfant, sa prévalence est de moins de 1 %. Le pic d’incidence de ce trouble se situe entre 15 et 19 ans (donc plutôt en fin d’adolescence). La répétition de crises d’angoisse aiguë définit le « trouble panique ». Ce trouble est caractérisé par une ou plusieurs « attaques » inattendues, paroxystiques associant :
- des signes neurologiques : tremblements, secousses musculaires, vertiges, malaises
- des signes vasomoteurs : sueurs, bouffées de chaleur,
- des signes somatiques : tachycardie, palpitations, sensations d’étouffement, nausées, douleurs thoraciques…
- des signes psychiques : sensation d’étrangeté, de perte de contact avec la réalité, peur de mourir, de devenir fou…

Plus l’enfant est jeune (7-8 ans), plus le contexte somatique est riche avec des plaintes multiples. Le jeune est difficilement accessible au raisonnement et à la réassurance durant l’accès. La terreur nocturne est l’exemple le plus typique de la crise d’angoisse aiguë. Plus âgé (vers 11-12 ans et après), le jeune va extérioriser son angoisse, non pas en l’exprimant verbalement mais en l’agissant. Le corollaire de la crise d’angoisse devient alors le passage à l’acte sou ses différentes formes : crises de colère, exigences insatiables, fugues, troubles du comportement… Le risque est alors que l’anxiété de l’entourage provoque une spirale où l’angoisse de l’un majore celle de l’autre.

Les diverses manifestations anxieuses sont souvent associées. Les rémissions spontanées sont rares et les troubles anxieux constituent un facteur de risque de troubles psychiatriques ultérieurs. Les troubles évoluent et se transforment avec apparition de conduites pathologiques (phobiques ou autres…). Peuvent s’y associer (« co-morbidité ») ou s’installer certaines complications :
- des symptômes dépressifs (voire une véritable dépression),
- des troubles du comportement (opposition, instabilité psychomotrice, agitation…),
- des troubles de l’attention (et notamment des troubles déficitaires…),
- et à l’adolescence, des conduites d’addiction (toxicomanies…).
- Symptômes et organisation névrotique

Rapports entre angoisse et manifestations névrotiques :

Les symptômes ou les manifestations névrotiques sont considérés comme l’expression de l’angoisse. Il s’agit de processus mis en œuvre pour aménager les conflits intra-psychiques inconscients et lutter contre l’angoisse. L’illustration la plus évidente est le rapport entre angoisse et organisation de type phobique.

a) Symptômes de type phobique

La phobie est une crainte suscitée par la présence d’un objet, d’une situation ou d’une personne qui ne présente pas de danger réel mais provoque une vive angoisse, une terreur. Le sujet tente de faire disparaître cet affect par diverses stratégies défensives : conduites d’évitement, de réassurance, utilisation d’objet contra-phobique, fuite en avant…). La phobie ne survient qu’en présence de l’objet ou de la situation menaçante (ce qui la différencie de l’obsession).

Le problème de la phobie est inséparable de l’étude la maturation du Moi, de la formation des symptômes et de la place centrale qui y occupe l’angoisse. Ainsi, les peurs et certaines phobies passagères sont considérées comme normales au cours du développement :
- peur de l’étranger du 8ème mois,
- peur du noir vers l’âge de 18 mois-2 ans,
- peur des gros animaux vers 3-4 ans,
- peur des petits animaux vers 4-5 ans,
- peur du loup, des sorcières, des fantômes, de l’ogre…
- peur d’être seul dans une pièce,
- peur moins classique (chasse d’eau, appareil électrique, trait du visage (barbe…),
- peur de la mort vers l’âge de 8 ans.

Habituellement, ces peurs s’atténuent spontanément vers 7-8 ans. Certaines peuvent persister à l’âge adulte sans conséquences pathologiques (peur des araignées, des serpents, des souris…). Mais parfois, ces peurs s’organisent chez l’enfant sous la forme de phobies et vont persister. Le caractère pathologique de ces phobies tient à leur intensité, à leur persistance prolongée, à la difficulté à se réassurer, à la complexité des processus contra-phobiques et à leurs effets délétères sur le développement psychoaffectif.

Deux exemples cliniques sont typiques de ce mode d’organisation :

– La phobie sociale :

Peur irrationnelle et persistante de situations dans lesquelles l’enfant est exposé à l’éventuelle observation attentive d’autrui : peur de parler devant les autres, peur de rougir, peur de passer au tableau, peur de ce que l’autre peut penser de vous… La gravité dépend du contexte et de leur caractère plus ou moins invalidant pour l’enfant. Ainsi, si la timidité n’est pas pathologique, son exacerbation peut le devenir. L’inhibition est d’ailleurs souvent associer à la phobie sociale.

– La phobie scolaire :

Elle touche 1 à 3 % des enfants d’âge scolaire (3 garçons pour 2 filles) avec 3 pics de fréquence : petite enfance (5-6 ans), pré-adolescence (10-11 ans) et adolescence (12-15 ans). Parfois progressif, le début est le plus souvent brutal : refus de se rendre à l’école ou de pénétrer dans la classe avec manifestations d’angoisse intenses, voire dramatiques avec réactions de panique, d’autant plus que l’enfant est forcé. Un événement intercurrent est parfois rendu responsable : réprimande d’un professeur, conflit avec un camarade. Le calme revient quand l’enfant est assuré de rester à la maison où il peut d’ailleurs très bien travailler (avec parfois même un hyper-investissement scolaire). L’enfant n’est pas accessible au raisonnement ; il promet le plus souvent de retourner le lendemain à l’école (sans y parvenir). L’enfant se sent très bien en dehors des accès, il est très facile et coopérant. Ces enfants sont d’intelligence normale. Parfois d’autres symptômes sont associés : autres troubles anxieux, autres phobies, manifestations obsessionnelles, état dépressif, somatisations multiples… Le danger de la phobie scolaire est un risque de déscolarisation dont les effets peuvent être dramatiques. La phobie scolaire est à différencier des difficultés de séparation de l’enfant avec sa mère à l’école maternelle, du refus scolaire, de la fugue et de l’école buissonnière. La constellation familiale est souvent particulière. La phobie scolaire se rencontre souvent chez des enfants très dépendants de sa famille, avec parfois une note d’agressivité ambivalente. La mère, souvent anxieuse, est sur-protectrice ; le père est souvent peu sécurisant, voire absent. L’évolution dépend de la structure psychopathologique sous-jacente et de la dynamique conflictuelle familiale. Schématiquement : 30 à 50 % ont une évolution favorable, 30 % ont une évolution marquée par la persistance de difficultés névrotiques et 20 à 30 % ont une évolution défavorable. Toute phobie scolaire doit faire l’objet d’une prise en charge (pédopsychiatrie).

b) Symptômes de type obsessionnel / Troubles obsessionnels compulsifs

La prévalence de ce trouble est de 1 à 2 % avant 20 ans. Le pic d’incidence se situe entre 15 et 19 ans. Il est en effet rare d’évoquer de véritables symptômes obsessionnels avant la puberté.

L’obsession est une idée intrusive et récurrente qui s’impose au sujet, avec un sentiment de malaise anxieux. L’idée obsédante assiège l’enfant qui ne peut s’en défaire. Les compulsions sont des comportements répétitifs, des rituels soumis à des règles inflexibles. Le rituel, accompli de façon répétitive, soulage partiellement l’angoisse mais devient lui-même impératif. L’enfant lutte, avec plus ou moins d’angoisse, contre ses obsessions et ses compulsions qui sont la plupart du temps reconnues comme excessives et déraisonnables par l’enfant lui-même. Elles interfèrent, à des degrés divers, avec la vie courante de l’enfant, sa scolarité et son fonctionnement psychoaffectif.

Des comportements ritualisés d’allure obsessionnelle sont normaux au cours du développement de l’enfant :
- objets jetés à terre, avec demande qu’ils soient ramassés,
- rituels d’endormissement à 2-3 ans,
- rituels de vérification,
- rituel autour de la propreté (recherche du pot, lavage…),
- collectionnisme entre 7 et 10 ans,
- perfectionnisme scolaire…

L’intensité de certaines obsessions et de certains rituels, leur caractère désadapté, leur fixité et leur association à d’autres troubles définissent la pathologie. Les conduites obsessionnelles apparaissent alors le seul moyen d’assurer la permanence, la cohérence d’un environnement et un sentiment d’individualité toujours prêt à voler en éclat. Selon les théories auxquelles on se réfère, on évoquera une organisation névrotique obsessionnelle (psychanalyse) ou bien un trouble obsessionnel compulsif : TOC (DSM4). Les symptômes sont témoins d’une insécurité permanente, teintée d’angoisse plus ou moins bien contenue :
- envahissement par le doute,
- timidité excessive, scrupules et inhibition scolaire chez un enfant intelligent,
- intellectualisation sans rapport avec l ‘âge,
- rituels interminables (coucher, propreté, rangements…),
- troubles dépressifs,
- apparition de tics.

L’environnement familial est souvent lui-même « obsessionnalisé », avec un fonctionnement rigide. L’évolution : les troubles peuvent varier en intensité et se modifier quant au contenu des obsessions et des rituels mais ils persistent le plus souvent de manière chronique. Il existe alors des interférences avec la scolarité et l’autonomisation psychique. Les complications dépressives sont fréquentes. L’apparition de troubles obsessionnels et de compulsions doit faire l’objet d’un avis spécialisé (pédopsychiatrie).

c) Symptômes de type hystérique

L’hystérie prend son sens dans le rapport à autrui. Elle est l’expression d’un conflit intra-psychique inconscient à travers des manifestations corporelles (sans substratum organique). Le corps est le lieu d’expression de l’ensemble de la personnalité et donc, entre autre, des conflits psychiques. Certaines angoisses vont ainsi se traduire par des manifestations corporelles. L’organisation de la personnalité peut se faire sur un mode hystérique (traits de personnalité) sans que pour autant se constitue une véritable névrose hystérique. Cette distinction est essentielle. En effet, il ne convient pas de porter le diagnostic d’hystérie chez l’enfant à partir de symptômes tels que : besoin d’être aimé, d’être regardé, d’être objet d’admiration, de séduire, besoin d’imiter, suggestibilité, tendance à fabuler, goût pour la mise en scène, pour faire le pitre, passage du rire aux larmes, insatisfactions permanentes, exigences multiples… Car alors, tout enfant entre 3 et 6 ans est hystérique ! Ces manifestations sont normales. A l’opposé, certains troubles doivent attirer l’attention car ils peuvent être révélateurs d’une organisation hystérique pathologique. Il s’agit des conversions :
- boiterie, paralysie, contractures, spasmes, douleurs touchant l’appareil locomoteur,
- troubles de la parole : aphonie, mutisme,
- céphalées, douleurs abdominales,
- hypoacousie, amaurose, cécité…

Ces troubles doivent nécessiter une exploration (raisonnée) sur le plan organique. Un bilan somatique normal ne doit pas faire négliger et banaliser le trouble mais au contraire attirer l’attention. Les symptômes hystériques dévoilent la difficulté ou l’impossibilité pour l’enfant de mentaliser une souffrance qu’il ne peut ni reconnaître ni faire reconnaître à sa juste place. Les symptômes hystériques échappent au contrôle de l’enfant et doivent être différenciés de la simulation qui, elle, est volontaire (même si elle est témoin de difficultés de structuration de la personnalité). Les « bénéfices secondaires » peuvent être source de confusion pour le médecin et l’entourage quant au caractère « volontaire » des troubles. Les symptômes hystériques doivent faire l’objet d’un bilan somatique et, sans dramatisation, d’un avis spécialisé (pédopsychiatrie).

d) L’inhibition

L’inhibition est une limitation plus ou moins intense de l’expression intellectuelle, verbale et motrice. Elle touche donc aussi bien les conduites externes et socialisées que les conduites mentalisées. Les défaillances d’expression ne sont pas pour autant synonyme d’une carence des potentialités. Normale dans certaines situations (confrontation à l’inconnu, à la nouveauté, contrôle scolaire, rencontre d’un personnages admiré ou redouté, changement de classe…) et à certaines périodes du développement (à la puberté…). L’anxiété est sous-jacente mais ne perturbe pas l’éveil de l’enfant. La timidité est retenue. A un degré de plus, on observe de véritables inhibitions touchant :
- le corps : gestes empruntés, raideur, pauvreté mimique, ralentissement voire dyspraxies…
- le langage : enfant parlant peu voire mutisme extra-familial,
- la vie relationnelle : difficultés à nouer des relations avec les pairs, repli sur soi, difficultés à témoigner de ses émotions, difficultés à s’intégrer au groupe, isolement… Enfants trop calmes et trop sages…
- le fonctionnement intellectuel : pauvreté imaginaire (dans le jeu, les dessins…), difficultés à penser, crainte de se tromper, difficultés de participation. Impression de « niaiserie »…Et parfois diminution de l’efficience intellectuelle…

L’angoisse est souvent présente bien que masquée par l’inhibition. L’installation prolongée de ces troubles peut perturber le développement intellectuel de l’enfant, son épanouissement et sa scolarité. Mal repéré ou minimisé pendant le primaire, l’inhibition va se majorer à l’entrée au collège. Un état dépressif peut se surajouter.

3°/ Formes cliniques

Les troubles anxieux vont s’extérioriser différemment en fonction de l’âge :

– Chez le bébé :

Plus l’enfant est jeune, plus son corps lui sert de vecteur relationnel privilégié avec son entourage. Les détresses et angoisses précoces vont s’exprimer par :
- des troubles du sommeil qui perdurent,
- des états d’hypertonie répétés,
- des difficultés alimentaires qui s’installent,
- une intolérance à la frustration (bébés irritables ou excitables),
- une angoisse de séparation (cf. ci-dessus),
- une hyper-vigilance (immobilité silencieuse et attentive),
- des troubles psychosomatiques divers et répétés.

Le bébé anxieux est un bébé auquel il est difficile, pour l’adulte, de s’adapter, et les inadaptations de l’un viennent renforcer les inadaptations de l’autre au sein d’une réciprocité coûteuse. Ces troubles sont très importants à dépister précocement car ils risquent sinon de perturber plus ou moins gravement le développement de l’enfant créant ainsi une fragilité et vulnérabilité aux expériences de vie ultérieures. Une consultation spécialisée de pédopsychiatrie permettra de saisir l’instant pour protéger le devenir, c’est à dire de confirmer ou non la sémiologie des troubles et d’effectuer une évaluation économique et dynamique, en prenant en compte la dimension relationnelle de l’angoisse.

– Chez l’adolescent :

L’anxiété est une des émotions les plus fréquentes à l’adolescence, présente sous toutes ses formes et intensités : inquiétudes passagères, malaise durable, angoisse chronique, épisode aigu (« le flip ! »)… Peu d’adolescents échappent à cette « menace anxieuse » en relation avec les problématiques classiques de cet âge. Le sujet cherche des stratégies de défense et de protection contre cette émergence anxieuse. L’évolution est généralement favorable. La prévalence des troubles anxieux pathologiques chez l’adolescent est de 8 %. Cette pathologie anxieuse représente alors la porte d’entrée habituelle de nombreuses expressions psychopathologiques et la « co-morbidité » est particulièrement élevée. Ainsi, outre les phobies et l’inhibition, les somatisations multiples, les dysmorphophobies et les troubles obsessionnels compulsifs, on retrouve :
- des épisodes dépressifs et des troubles bi-polaires,
- des troubles des conduites alimentaires (anorexie, boulimie),
- des consommations de produits (addictions)
- des conduites à risque.

Il est fréquent de retrouver une intrication de problématiques liées au processus de l’adolescence (puberté, identifications, sexualité, autonomisation…) et liées à des facteurs environnementaux. Là encore, une consultation spécialisée psychiatrique s’impose afin d’éviter que ne se fixe une pathologie psychiatrique.

4°/ Evolution

Le devenir des troubles anxieux repose en grande partie sur des études rétrospectives de populations adultes, ce qui limite leur validité. Actuellement, les troubles anxieux sont présentés comme facteurs de risque de troubles psychiatriques. Dans tous les cas, une rémission spontanée est loin d’être la règle, d’où l’importance de faire un diagnostic précoce et de mettre en place un traitement adéquat et efficace. Les éléments qui doivent attirer l’attention :
- Au niveau des symptômes : o Intensité des symptômes o Multiplicité des symptômes o Persistance d’un symptôme o Absence de tendance à la résolution progressive, spontanée.
- Au niveau de l’enfant : o Envahissement et fixité des symptômes o Non progression vers la maturité et l’éveil voire régression o Inhibition à jouer, perte de plaisir, arrêt de la curiosité o Instabilité et difficulté à maîtriser l’angoisse o Fuite dans l’imaginaire (toujours ailleurs…).
- Au niveau de l’environnement : o Méconnaissance ou désintérêt des symptômes o Réduction de l’enfant à ses troubles o Concomitance entre les difficultés de l’enfant et celles de l’entourage.

Le pronostic des troubles anxieux repose en partie sur une évaluation précoce et une intervention thérapeutique efficace.

5°/ Principes de traitement

– Prévention :

Le repérage précoce des troubles anxieux pathologiques doit amener à des interventions chez le nourrisson et le jeune enfant pour permettre une évolution rapide de la souffrance. L’analyse des symptômes anxieux doit se faire dans une perspective dynamique prenant en compte la personnalité de l’enfant mais aussi son environnement et notamment les interactions entre l’enfant et ses parents. L’accompagnement des parents face aux symptômes de leur enfant est indispensable. La place occupée par l’enfant dans sa famille, aussi bien dans la réalité que dans sa propre tête a parfois besoin d’un soutien extérieur pour évoluer.

– Principes et moyens thérapeutiques :

La thérapeutique ne doit se limiter à un traitement purement symptomatique +++ Aborder exclusivement les symptômes peut être la négation de la souffrance cachée de l’enfant et peut compromettre l’harmonie de sa personnalité. Par exemple, une angoisse de séparation au moment du coucher associée à des troubles du sommeil ne doit pas se limiter à un traitement hypnotique.

Plusieurs modalités thérapeutiques sont possibles. Elles ne s’opposent pas et ne sont pas exclusives les unes des autres. Chaque traitement sera indiqué au cas par cas. o Psychothérapies :

Elle peut dénouer une situation critique et permettre une reprise de la dynamique évolutive de la personnalité qui a achoppé sur des conflits psychiques inconscients. Ce travail psychothérapique avec l’enfant ne sera possible qu’avec une alliance thérapeutique avec les parents. L’indication d’une psychothérapie (individuelle ou familiale, analytique ou cognitivo -comportementale) sera portée par le pédopsychiatre. o Prescriptions médicamenteuses :

Elles ne seront jamais isolées. Réservées aux formes d’angoisse intense (entraînant un handicap dans la vie de tous les jours), elles permettent ponctuellement une amélioration des symptômes et peuvent favoriser une reprise de la dynamique évolutive de l’enfant. Les traitements seront toujours prescrits sur des durées courtes (ne dépassant pas quelques semaines). o Hospitalisation :

Parfois indiquée, elle ne sera envisagée qu’après avis spécialisé. Elle permettra une coupure du milieu habituel, une prise de distance, une évaluation des problématiques et une réorganisation des relations intra-familiales. o Actions socio-éducatives :

Qui touchent le milieu de vie de l’enfant : parents, famille, école… Ces actions résulteront de rencontres entre différents intervenants du champ de l’enfance et de l’adolescence, dans les situations de troubles anxieux majeurs avec troubles de l’adaptation associés.

Dans tous les cas, le travail avec les parents est indispensable. Au cours du traitement, une ré-évaluation régulière et une surveillance seront systématiques.

LES TROUBLES DE L’ADAPTATION

1°/ Définition

Les troubles de l’adaptation ne constituent pas un diagnostic. Ils correspondent plutôt à la description d’un cortège de symptômes dans les registres émotionnels et comportementaux, en réaction à un ou plusieurs facteur(s) de stress identifiable(s). Prédisposition et vulnérabilité individuelle jouent un rôle important dans la survenue de ce trouble et dans sa symptomatologie, même si l’on admet que le trouble ne serait pas survenu en l’absence du facteur de stress en cause. Le trouble de l’adaptation se traduit par un état de détresse et de perturbation émotionnelle entravant le fonctionnement habituel de l’enfant. Le facteur de stress est repérable (drame familial, expérience de séparation, hospitalisme, immigration, catastrophe…). Le trouble de l’adaptation peut s’accompagner de régression, notamment chez l’enfant ou de troubles des conduites (comportement agressif…), en particulier chez les adolescents. Le trouble de l’adaptationdébutehabituellementdans le mois qui suit l’événement stressant et persiste plusieurs mois.

2°/ Forme clinique : le syndrome de stress post-traumatique

Ce trouble survient au cours d’une période d’adaptation à un changement existentiel important ou en réponse (différée ou prolongée) à un événement stressant (de courte ou de longue durée). Des facteurs pré-disposants, comme une fragilité psychologique, certains traits de personnalité ou une organisation névrotique peuvent favoriser la survenue de ce syndrome ou aggraver son évolution. Ces facteurs ne sont toutefois ni nécessaires ni suffisants pour expliquer la survenue de ce syndrome. Cette entité nosographique est superposable à l’ancienne névrose traumatique. Les symptômes cliniques sont :
- la reviviscence répétée de l’événement traumatique, des souvenirs envahissants,
- des troubles du sommeil (réveils nocturnes, cauchemars…)
- un émoussement émotionnel, un détachement par rapport aux autres,
- une anhédonie, un évitement des activités habituelles,
- des crises d’angoisse voire un trouble panique,
- une hyperactivité neurovégétative avec état d’hyper vigilance.

Fréquemment s’y associent une anxiété généralisée et une dépression, des troubles des conduites (en fonction de l’âge). L’évolution est fluctuante mais se fait généralement vers la guérison dans la plupart des cas. Si le trouble persiste, il peut conduire à une modification durable de la personnalité. A défaut d’une prise en charge adaptée, les conséquences psychiques et sociales (scolaires…) sont donc très importantes. Tout syndrome de stress post-traumatique devra faire l’objet d’une prise en charge psychiatrique. Les modalités thérapeutiques sont les mêmes que celles décrites pour les troubles anxieux. Chaque traitement sera adapté à chaque enfant, au cas par cas. Le travail avec les parents est indispensable.

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