Comment imaginariser le réel ? C’est ce que tente Marie-Jo Bourdin dans ce livre plein d'enseignement sur le vécu traumatique de l’excision, le ressenti de personnes qui ont eu besoin de parler, dans l'après-coup, de cette pratique dont on sait qu’il est vain de la dialecticser et qu’un discours clinique, quelqu’il soit, dans un contexte interculturel mobilise d’autres fantasmes que celui du soin réparateur. En faire un problème de Santé Publique n’est pas une pirouette mais la seule approche paradigmatique qui vaille.
Sortir de la stigmatisation toute personne qui s’estime atteinte dans son intégrité psychique ou génitale, c’est exercer un droit de solidarité et rappeler que le sujet n’existe que parce qu’il peut problématiser l’imaginaire, le symbolique et le réel. Comment éviter la fatigue de soi et accéder à l’estime de soi quand on est entièrement pris, consciemment et inconsciemment, dans la trappe du manque à être, quand on ne peut jouir de la construction d’un soi autobiographique ?
Les récits de vie évoqués dans cet ouvrage ont la clarté de la simplicité. Ecouter, accompagner, entendre et comprendre l’impensé n’est pas une tâche facile, mais elle est surmontable quand, à l’érudition, s’ajoute le décentrage. Les mots justes s’imposent et le vrai accompagnement peut alors s’engager comme un processus qui stimule l’élan vital et fait l’économie de la compassion débordante ou de la distance du déni. Les chemins qui passent par les autres ramènent souvent à soi, comme le souligne l’anthropologie. Marie-Jo BOURDIN sait tout cela grâce à l’empathie qu’elle exprime dans la prise en charge de ces femmes qui viennent solliciter son expertise, son professionnalisme et sa capacité à gérer son indignation.
Ce livre fera certainement réfléchir sur les stratégies sanitaires et politiques à mettre en place devant de tels traumatismes même si certains pensent qu‘en contextualisant, on peut faire l’impasse sur la femme « sujet » et non « objet » de toutes les peurs.