Gaye PETEK : « Les migrations en France : Histoire et prospectives »

In : Journal des assistants sociaux scolaires des Yvelines, n° 5, janvier 2007 : « L’enfant étranger ou d’origine étrangère : l’école, une voie pour l’intégration », pp. 8-9

Gaye PETEK est Assistante Sociale, Directrice de l’Association ELELE (Migrations et Cultures de Turquie) et membre du Haut Conseil à l’intégration.

La migration en France tient en quatre paramètres : la maîtrise du flux migratoire, l’accueil des populations, la volonté de l’Etat de favoriser la naturalisation et enfin l’intégration.
En 1974 l’immigration d’une main d’oeuvre dédiée au travail s’arrête et en 1975, la France rentre pour son immigration dans une dynamique de regroupement familial ce qui implique une durabilité du séjour.
Il y a donc un paradoxe avec d’une part un processus d’installation au long cours de la migration et une vision qui continue à se développer du « travailleur invité ». C’est l’époque où l’Education Nationale propose un apprentissage des langues et cultures d’origine fait par des enseignants venus des pays d’origine et donc des cours donnés par des gens qui viennent d’ailleurs avec des mentalités différentes.
Dans les années 80, La prise en charge des migrants continue de se faire par le secteur de droit commun alors que dès 1981 commence l’identification des migrants à des communautés. En effet c’est à cette date que les migrants obtiennent le droit de créer une association selon la loi de 1901. Une majorité des association créées sont en fait des associations cultuelles qui se présentent comme des associations culturelles afin de relever de la loi de 1901 et non de celle de 1905.
Dans le même temps a lieu la « marche des beurs » qui demande une reconnaissance sociale et se font ensuite récupérer par des réseaux associatifs ou des partis politiques.
Dans la fin des années 80 on assiste à un quintuplement des demandes d’asile en provenance de tous les pays. Michel Rocard prend la décision de supprimer le droit de travailler pour les demandeurs d’asile. Dans le même temps il met au point un Comité Interministériel de l’Intégration qui devient le Haut Conseil à l’Intégration.
La fin des aimées 90 voit la lutte contre les discriminations s’intensifier et dans les années 2000 il y a remise en cause de la notion d’intégration au profit de la lutte contre la discrimination.
Cependant, c’est bien d’intégration dont il faut parler pour les 150 000 migrants qui arrivent en France chaque année, et de lutte contre la discrimination pour les jeunes français d’origine étrangère.
Comment travailler le champ de l’intégration avec une vraie politique d’Etat et non pas laisser cela aux familles et aux espaces communautaires ?
En 2002, la politique d’immigration durcit et parallèlement intervient un changement dans la politique d’intégration des primo arrivants avec la création du « Contrat d’Accueil et d’Intégration » qui vise à réduire ensuite les problèmes de discrimination. Ce contrat prévoit un accompagnement social, culturel et de médiation, une mise à disposition et un principe de prévention. On s’est en effet rendu compte que repli communautaire égal discrimination.
Il est intéressant à ce stade de soulever la problématique de l’ingérence. L’accompagnateur peut en effet être aussi un pédagogue, ou un « poil à gratter ». Car il y a une limite à la notion de tolérance quand on se trouve face à des replis communautaires, de l’intolérance religieuse, l’excision, des mariages forcés, etc. Le travailleur social doit développer des actions de prévention à l’école auprès des publics migrants.
En matière d’intégration il faut arrêter de faire des thèses, il faut agir et parler au public concerné de ses droits, de ses devoirs, comprendre et dénouer ses crispations culturelles.
Le CAI a été mis en place de façon tardive et il était plus que temps d’agir. Tout ne va pas pour autant aller , mieux d’emblée car les migrants rejoignent ensuite hélas des réseaux communautaires constitués dans les années 80. Il faut donc travailler vis-à-vis des populations déjà installées : les valeurs, les symboles, les droits de la société française.
Il y a un certain nombre d’écueils :

- on bute sur les logiques d’oppression. Les mariages forcés par exemple. Cela date des années 80 où, après avoir entendu le problème, les pouvoirs publics ont tout arrêté, disant que les associations stigmatisaient trop les populations immigrées en se battant contre ces pratiques. Tenter de résoudre des problèmes ne signifie pourtant pas que l’on stigmatise une population. Il y a des pratiques culturelles archaïques et féodales transplantées et renforcées par l’immigration, par la peur due à la transplantation. Elles sont inacceptables.

- une personne n’arrive pas vierge en France mais avec ses représentations, y compris sur la France. Il faut en tenir compte quand on pense les moyens. Il faut construire l’outil non seulement pour faire passer le message mais aussi en fonction de la personne qui va recevoir le message. Quand on veut informer quelqu’un, il faut le faire dans la langue de l’autre tant qu’il n’est pas francophone.

- la question de la culture : on a trop analysé les évènements de 2005 en fonction de la précarisation, alors que le problème de la culture est fondamental. La culture d’origine est un facteur non intégrateur. C’est criminel de renvoyer ces jeunes vers leurs parents et les replis communautaires surtout quand on sait que les migrants venant de la campagne sont ainsi renvoyés vers le champ culturel et de la tradition, sectes intégristes et réseaux fondamentalistes.

Par ailleurs il faut sortir de la logique maghrébino-africaine. On passe à côté de tas de gens qui ne participent en rien aux affaires de victimisation et de repentance du passé. On passe à côté des turcs, des indiens, etc. Le . turc a été colonisateur et pas colonisé et pourtant marie sa fille de force par peur qu’elle ne se marie avec un français.
Il faut savoir se souvenir de l’histoire mais à un moment il faut savoir fermer la porte du passé et travailler au présent et pour l’avenir sur un langage et une histoire commune.
L’intégration est un processus où chacun doit faire son chemin, avec un accompagnement dans la durée, un dialogue sur les valeurs communes et ce que l’on supporte réciproquement, avec des interventions vers le pédagogique et même la confrontation si c’est nécessaire.

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