A. M. I. publications : « Mes tissages n°1. La transmission culturelle intergénérationnelle en situation migratoire »

AMI publications – 10 rue de la Benauge, 33000 Bordeaux – Deuxième semestre 2004 – 77 p. – 7 euros – Revue semestrielle

Directrice de publication : Aminata DIOP-BEN-GELOUNE

Rédacteur : Benoît SOUROU

Editorial

Depuis une dizaine d’années, l’AMI (Accompagnement Psychologique et Médiation Interculturelle) accompagne des personnes étrangères ou d’origine étrangère dans leurs parcours et leur mal-être. Elle tente de saisir leurs problématiques avec leurs spécificités et leur complexité. Cette expérience clinique, extrêmement riche et importante, ne nous a jusqu’alors que peu autorisé à prendre le recul théorique nécessaire à la formalisation d’hypothèses de recherche, à l’élaboration de problématiques, voire à mettre en mots et en forme les réflexions menées jusqu’à présent. C’est pourquoi, l’équipe de l’AMI composée de psychologues, d’anthropologues, de sociologues et de médiateurs interculturels propose la création d’une revue semestrielle dénommée : Mes tissages.

Il s’agira ici d’articuler la clinique, les interrogations surgies lors du séminaire de recherche, les questionnements et avancées que chacun peut faire de façon isolée. Afin qu’il ne s’agisse pas d’une revue de clinique interculturelle de plus, nous souhaitions que son objet reste l’exil, la migration et les Autres, abordé de façon pluridisciplinaire. Ainsi, des domaines tels que la littérature, la linguistique, le droit, la philosophie, la politique y trouveront naturellement leur place à côté de l’anthropologie, de la sociologie, de la psychologie et de la psychanalyse. Il nous semble en effet que les phénomènes étudiés (migration, exil, processus psychiques, endoculturation, acculturation…) ne peuvent être appréhendés sans ces éclairages multiples. A côté de cela, Mes tissages se propose de constituer un lien ainsi qu’un espace d’échange pour les professionnels du champ médico-social, les juristes, les enseignants, les élus, les médecins qui sont de plus en plus confrontés à des sujets migrants ou issus de l’immigration. Certains éléments de réflexion et de compréhension pourront ici être mis à leur disposition. Le métissage n’est pas l’uniformisation ou la conformité. Il sous-entend au contraire l’ajout d’ingrédients compatibles avec au moins une recette de base. C’est à notre sens avec ce vocable « compatible » que Mes tissages prend sa dimension subjective puisqu’il s’agit là du point de vue du sujet. L’humain dispose en effet de la possibilité de choisir dans l’autre ce qui lui convient et peut le faire sien, consciemment ou inconsciemment. Dix années de pratiques auprès de migrants et de leurs enfants nous confortent dans l’idée que si l’humain est porteur d’une culture, il cultive aussi, au contact d’autres peuples, les cultures de ceux-ci. Il se métisse, se métamorphose constamment pour s’inscrire à une place d’être de cultures. Entendre cette possibilité, c’est accepter les prémices du génie multiculturel. L’étranger se métisse de l’autochtone, l’autochtone se métisse de l’étranger. Chacun d’eux laisse ses empreintes sur l’autre.

Ce numéro 1 de Mes tissages regroupe des articles issus d’interventions qui se sont déroulées dans le cadre du séminaire de l’AMI, en 2002-2003 ainsi qu’en 2003-2004. Durant ces deux années, le séminaire s’est penché sur la question de la transmission culturelle intergénérationnelle. Il s’est proposé d’examiner ce qui se transmettait comme éléments culturels entre les générations en situation migratoire. Qu’il s’agisse de la langue, des techniques du corps, de la cuisine, de la musique, des règles de parenté ou des secrets de familles, tout peut se transmettre. La question qui se posait alors principalement à nous était celle-ci : quels sont les agents de ces transmissions et que souhaitent-ils transmettre préférentiellement au-delà certes d’une transmission inconsciente.

Les associations de migrants constituent des vecteurs privilégiés de l’identité communautaire. Elles prennent le plus souvent en charge la langue et la religion voire l’éducation des enfants de migrants. A un niveau autre, voire complémentaire, les familles se sentent directement concernées par certains axes qui leur apparaissent privilégiés. Concernant les individus, quels sont les choix privilégiés conscients voire inconscients qu’ils vont effectuer ? Ainsi, en situation migratoire, la génération ne serait pas seulement le lieu de la continuité, de la transmission mais favoriserait la rupture et l’émergence de singularités. En ce sens, elle pourrait permettre la création, l’invention d’une nouvelle histoire ou à l’opposé donner naissance à une déjà trop célèbre « génération perdue » oscillant entre l’ici et là-bas, sans inscription possible. Il s’agissait donc moins, durant ces deux années, d’appréhender quels sont les objets qui sont transmis entre les générations, que d’apprécier le rôle joué par les agents de la transmission en situation migratoire. Que souhaitent-ils transmettre préférentiellement et à partir de quelle place ? Ainsi nous sommes-nous plus spécifiquement penchés lors de l’année écoulée sur le rôle des pères dans la transmission. Existe-il des objets privilégiés qui retiennent l’attention des pères et sont-ils en situation migratoire à même de transmettre ces objets ? Au-delà de la question de la transmission, leur fonction n’est-elle pas avant tout d’instituer, d’inscrire chacun à une place symbolique ?

Pour tenter d’esquisser quelques réponses à ces questions, Eugène Bubotte, Psychologue clinicien et Doctorant en psychologie, mettra l’accent sur les représentations parentales dans la transmission d’éléments culturels dans la migration en milieu congolais. Sa réflexion sera prolongée par celle de Maryse Lebreton, Psychologue clinicienne qui s’interrogera sur ce que représente la migration, au regard de la transmission. Sati Yigit, Médiatrice interculturelle évoquera la question de la transmission d’éléments culturels chez les migrants turcs. Serge Bédère, Psychanalyste, introduira la deuxième partie de ce numéro en évoquant la question du père dans la psychanalyse. Julie Cassagne, Psychologue et Doctorante en psychologie, nous parlera de la paternalité et des représentations de la paternité chez les migrants Mandingues vivant en France. Carmen Coumau, Sociologue, évoquera la fonction du père en Amérique latine et Benoît Sourou, Anthropologue clôturera ce premier numéro en évoquant la question du retour de la tradition grâce aux pères chez les migrants originaires de Turquie. Il s’agit donc d’un premier numéro extrêmement riche qui traite de questions difficiles en peu de pages.

Nous remercions donc chaleureusement les auteurs qui ont pris le risque de se prêter au jeu de l’écriture sur un sujet aussi complexe, pour permettre à Mes tissages d’exister.

Aminata DIOP-BEN-GELOUNE et Benoît SOUROU

Sommaire

- « Les représentations parentales dans la transmission d’éléments culturels dans la migration » – Eugène BUBOTTE

- « La migration, un aléa transgénérationnel ? » – Maryse LEBRETON

- « La transmission culturelle chez les migrants turcs » – Sati YIGIT

- « Le père en psychanalyse » – Serge BEDERE

- « Quelques considérations à propos des pères en exil » – Julie CASSAGNE

- « Familles péruviennes, le père absent. Une approche sociologique » – Carmen COUMAU

- « Les pères turcs ou le retour de la tradition » – Benoît SOUROU


Abonnements : Deux numéros par an (12€). Chèque à l’ordre de l’A. M. I.

- E-mail : AMI.Bordeaux@wanadoo.fr

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