Dès 1925, près de la moitié des Arméniens réfugiés en France habitaient Issy-les-Moulineaux ou Alfortville. La diaspora issue de la rupture connaissait ces deux îlots-refuges. Chaque exilé savait qu’il pourrait compter sur l’aide de la communauté pour faire étape ou fonder un foyer. Ceux qui ont vécu l’exode nous livrent, à travers mille péripéties, les récits des trajets qui les ont conduits de l’ancien village de l’Empire ottoman à ces deux communes de la banlieue parisienne. Tout ou long de ce siècle, ils ont su inventer une manière particulière de s’intégrer sans oublier. Les monuments, les noms de rue, les commémorations, les églises, les institutions culturelles sont autant de références à un patrimoine symbolique qui inscrivent cette identité dans la cité. Mais la présence de la communauté s’exprime surtout dans la vie quotidienne, à travers les lieux de la sociabilité où se déploient un art de vivre, une convivialité qui nourrissent l’identité communale. Cette « Arménie des bords de Seine », véritable « grenier de mémoire » porte les cicatrices du génocide et de l’exil. Mais ces territoires où se dessinent des figures insoupçonnées sont aussi des langages, nés de la rencontre avec d’autres modes de vie et d’autres imaginaires.
Martine HOVANESSIAN : « Les Arméniens et leurs territoires »
Editions Autrement, coll. Français d’ailleurs, peuple d’ici, 1995. 160 p. 13,95 €