Mémoire collective et représentations sociales.

Connexions. Revue semestrielle publiée par l’ARIP, Association pour la Recherche et l’Intervention Psychosociologiques, n°80, Erès.

Halbwachs avait entrevu la fonction identitaire de la mémoire, d’où la coexistence postulée entre une mémoire nationale, faite de références historiques irrécusables, et des mémoires singulières, qui se construisent au gré de l’expérience sociale et historique au sein de communautés de proximité, de sentiment ou de fidélité, à l’origine en grande partie des différences d’interprétation des événements du passé et des modalités de transmission intergénérationnelles. Cette distinction est reprise par divers auteurs sous la forme d’une opposition entre mémoire partisane, parcellaire ou d’origine – porteuse d’une volonté d’existence et de continuité, bref d’identité et en charge d’un discours de vérité « particulier » sur le passé, voire d’une revendication de reconnaissance et de considération, et une mémoire historique, nationale, mythologique, hégémonique (voir J. Viaud).

D’autres, reprenant la thèse d’Erikson sur l’identité, proposent un schéma suggérant d’assimiler l’identité à un environnement psychologique interne (constellation d’éléments cognitifs, affectifs ou émotionnels dont les représentations), relié dialectiquement à un environnement externe (social, culturel, idéologique) dont le moteur est la mémoire.

Enfin, apparaît, dans le foisonnement des enquêtes évoquées ici, la tentative, à travers l’étude des groupes minoritaires (voir C. Fraïssé), de jeter un pont entre la théorie de l’influence de S. Moscovici (voir les minorités actives) et la théorie de la mémoire d’Halbwachs pour soutenir l’hypothèse d’une utilisation stratégique possible de la mémoire collective à des fins de transformation des rapports de pouvoir entre les groupes, et de renforcement identitaire par l’inversion du sens des symboles (négatifs) liés aux événements du passé, au sein d’un ensemble social.

Ces pistes de réflexion manifestent une convergence d’intérêt chez les auteurs, quant à l’élargissement et l’approfondissement de la problématique élaborée autour du problème de la genèse ou de la sociogenèse des représentations sociales et des liens entre celles-ci et la mémoire collective, et quant à la définition d’une psychologie sociale « ouverte » (c’est-à-dire intégrant des dimensions sociologiques, anthropologiques, historiques et le souci de la compréhension du monde social, culturel, politique environnant), volontariste et intentionnaliste, constructiviste et dialectique.

On retiendra, de l’ensemble, l’idée qu’il s’offre comme un hommage aux travaux, ici entremêlés, d’Halbwachs et de Moscovici, à l’origine d’une avancée significative des sciences humaines et sociales.

Certains lecteurs pourraient s’agacer des redondances inévitables, compte tenu du caractère collectif de la préparation de ce dossier, de l’absence d’articulation entre la première partie (théorique) et la deuxième (empirique), enfin du décalage évident entre la richesse de la compilation théorique et la discrétion des illustrations ou des démonstrations des hypothèses centrales de l’ouvrage. Cela dit, on ne peut que souhaiter la plus vaste audience à ces recherches prometteuses.

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