Structure démographique et vieillissement de la population portugaise.

Par Jorge de Portugal Branco, Sociologue, service du conseiller social, ambassade du Portugal à Paris

L’importance de la présence portugaise en France est une constante de la deuxième moitié du XXe siècle, les flu migratoires ayant atteint leur intensité maximale entre 1965 et 1975, l’arrivée des primo-migrants s’étant prolongée par les regroupements familiaux.

Les caractéristiques de cette population et son évolution dans le temps sonô connues, de nombreuses recherches ayant été réalisées, dont une partie publiée au cours de la dernière décennie.

Parmi les différentes mutations survenues, une nous intéresse particulièrement, récente et méconnue : le vieillissement massif des Portugais et ses conséquences.

Pour analyser ce phénomène, nous avons eu recours à une banque de données brutes, provenant des recensements de la population effectués par l’Insee en 1990 et 1999, qui a permis la postérieure réalisation de calculs basés sur des typologies spécifiques, visant à reconstituer la communauté dans sa totalité.

Au-delà de la quantification de ce phénomène démographique, qui permet de le décrire, des questions se posent sur le devenir des personnes, pour lesquelles la seule grille de lecture statistique est insuffisante : c’est pourquoi nous chercherons à dégager de nouveaux axes de réflexion et de recherche, qui, de notre point de vue, devraient être pluridisciplinaires.

La problématique est très vaste, s’étendant de l’éventuelle « importation » des seniors, parents des primo-migrants, aux questionnements relatifs à l’éventualité d’un nouveau flux, inversé et formé par les « retournants », mais elle doit également tenir compte du devenir des « itinérants », dont la proportion croît actuellement, qui partagent l’année entre deux pays et deux domiciles.

Parce qu’elles sont lourdes de conséquences, ces questions doivent être examinées objectivement, avec recul et sans dramatisation. En effet, si un mouvement massif de retours s’amorce, il sera fonda-mental de savoir si ceux-ci se dirigent vers les localités d’origine, souvent désertifiées par l’exode rural en cours au Portugal depuis 40 ans et donc, inadéquates pour une augmentation exponentielle de la population âgée. Si ce flux se déverse dans les villes, l’équipement en infrastructures devra, lui aussi, s’adapter.

En l’absence de retour, d’autres questions se posent, avec non moins d’acuit : dans quelle situation se trouveront les personnes ayant des trajectoires professionnelles incomplètes, qui pourraient devoir compléter leurs ressources avec le Fonds national de solidarité ?

Les structures d’hébergement et d’accompagnement existant en France, sont-elles prêtes à prendre en charge cette nouvelle population et en particulier la fraction des primo-migrants, partiellement francophones ?

Faudra-t-il créer des structures d’accueil spécifiques, avec du personnel lusophone, vaudra-t-il mieux former à la lusophonie une partie du personnel des structures déjà existantes pour le troisième âge ? Peut-on extrapoler vers la communauté de France ce qui s’est vérifié dans d’autres pays avec une importante et ancienne présence portugaise, tels que le Brésil, les États-Unis d’Amérique ou le Venezuela ? Qu’en sera-t-il des éventuelles répercussions de la pleine liberté de circulation, conséquence de l’adhésion du Portugal à l’Union européenne ?

En filigrane, d’autres interrogations émergent : l’acquisition volontaire de nationalité est-elle l’indicateur d’une recherche d’intégration se traduisant par des comportements spécifiques, dont l’abandon du projet de retour ? Le vieillissement en cours implique-t-il, à moyen terme, la disparition d’une présence portugaise en France ?

I. PARAMÈTRES TYPOLOGIQUES :

Au phénomène naturel du vieillissement d’une population s’ajoutent les problèmes soulevés par des typologies se basant sur le critère de la nationalité : l’effectif des Portugais ayant acquis l nationalité française disparaît de sa rubrique initiale, alors que, d’un point de vue démographique, il n’en demeure pas moins une composante, dont il convient d’étudier les caractéristiques, l’évolution et les tendances.

C’est pourquoi, dans cette recherche, nous nous référons à la communauté portugaise, entendue comme l’ensemble formé par ses deux composantes, les mononationaux portugais et les binationaux, « français par acquisition, dont la nationalité antérieure était portugaise », également désignés par le terme « naturalisés ». Ces deux composante seront, au cours de cette recherche, comparées lorsque des différences se manifestent. La communauté regroupe ainsi les Portugais ayant émigré vers la France et leurs enfants, venus les rejoindre ou déjà nés dans ce pays, possédant la nationalité portugaise.

C’est le critère retenu par l’État portugais, qui compte actuellement 10 millions de nationaux résidents et plus de 3 mil-lions de ressortissants disséminés de par le monde. Cette réalité est consacrée par la loi de la nationalité, en vigueur depuis 1983 et stipulant que l’acquisition d’une nationalité supplémentaire n’entraîne pas la perte de la nationalité portugaise initiale.

Il n’en reste pas moins qu’une difficulté se pose, qui ne pourra qu’augmenter avec le temps : les enfants issus des couples mixtes et ceux dont au moins l’un des parents est binational, sont impossibles à dénombrer, car, français à la naissance, leur effectif est directement versé sous cette rubrique et devient indétectable.

Si l’estimation de l’effectif global de la communauté portugaise de France demeure plausible, par l’addition des mononationaux, actuellement en diminution, et des binationaux en progression, cette combinatoire sera dépassée à la prochaine génération, puisque à la première composante qui connaîtra une chute brutale pour les raisons évoquées dans cette recherche, viendra s’ajouter la tendance à la baisse des binationaux, due à des raisons découlant des outils de dénombrement, indépendantes de la problématique démographique.

Le plan d’informatisation et de mise en réseau de l’ensemble des dix-sept consulats dont dispose l’État portugais en France constituera ainsi, dans le futur, une source précieuse de données statistiques et permettra de combler partiellement des lacunes émergeant graduellement.

II. DONNÉES STATISTIQUES :

II.1. Évolution numérique

En 1999, la communauté portugaise de France était constituée par 788 683 personnes, son effectif en 1990 étant de 798 8371. 1. Valeurs confirmées par proximité avec l’effectif global des ménages dont la personne de référence possède la nationalité portugaise : 806 960 en 1990 et 778 256 en 1999, les variations étant dues aux mariages avec des étrangers, non français. Une analyse plus fine démontre que, si le solde global est négatif (-10 154), di-verses évolutions ont eu cours, pendant la décade :

• l’effectif des mononationaux baisse de 91 000 personnes2,

• le nombre des binationaux augmente de 80 000,

• 50 000 mononationaux sont venus s’installer en France3,

• 52 462 Portugais ont acquis la nationalité française, par naturalisation4,

• le flux annuel des retours vers le Portugal a été de 6 500 cas et concernait les différents groupes d’âge, statuts socioprofessionnels et situations de nationalité (mononationaux et binationaux),

• selon une projection réalisée en 1986, l’Insee estime que, entre l’année 1989 et 2003, 30 387 portugais seront décédés en France,

• la moyenne annuelle des mariages mixtes a été de 3 0005.

L’effectif de la communauté s’est ain-si caractérisé par une relative stabilité, la baisse de l’effectif des mononationaux ayant été partiellement compensée par l’augmentation du nombre des binationaux, auxquels s’ajoutent les nouveaux arrivants.

Au-delà du phénomène artificiel d’amplification, relevant de critères administratifs, on observe une tendance naturelle vers le vieillissement, conséquence de la baisse de la natalité et de l’augmentation de l’espérance de vie et un non-renouvellement générationnel, l’ensemble étant aggravé par le mouvement des retours vers le Portugal.

Au cours de la décade écoulée, le nombre des ménages ayant comme personne de référence un mononational portugais a augmenté, s’élevant actuellement à 251 137 (+ 14 277).

Le nombre de personnes les composant a diminué : la moitié (52 %) était composée par 3 personnes au maximum, situation commune désormais à 61 %, le nombre moyen de personnes par ménage ayant baissé de 3,4 à 3,1.

II.2. Répartition par sexe

En 1999, la parité caractérisait la communauté portugaise de France : 404 897 hommes, représentant 51 % du total et 383 786 femmes, 49 %.

L’une des caractéristiques les plus particulières de cette communauté, par comparaison à d’autres également présentes en France, réside dans l’ancienneté et l’importance de la présence féminine, en progression continue depuis 1962 (1962 : 30 % ; 1968 : 35 % ; 1975 : 46 % et 1990 : 48 %). Avec les épouses, des enfants sont venus, d’autres sont nés en France et constituent ainsi une population qui dépasse la simple nébuleuse d’individus isolés (30 029 cas), variable déterminante dans le processus d’adaptation et d’intégration au tissu social français.

L’importance de la présence féminine varie selon les composantes :

• parmi les mononationaux, les hommes représentent 53 % du total et prévalent dans tous les groupes d’âge, jusqu’à 70 ans ; à partir de cet âge, la situation s’inverse,

• parmi les binationaux, les hommes sont minoritaires (46 %), bien que plus nombreux pour les moins de 20 ans, pour les 45/55 et à partir de 90 ans.

La répartition par sexe parmi des nouveaux arrivants est paritaire (50 % d’hommes), mais la proportion de femmes augmente avec l’âge : à partir de 60 ans, elles sont 1148, deux fois plus nombreuses que les hommes (535). L’incidence de la longévité, supérieure pour la population féminine, associée l’absence de surnombre masculin significatif parmi les arrivants, ne peut que se répercuter et tout indique que, au prochain recensement, la prédominance féminine sera marquée.

II.3. Distribution par âges

Les jeunes de moins de 20 ans, qui représentaient près d’un quart (24 %) de l’ensemble en 1990, ne comptent désormais que pour un septième (15 %).

Le poids relatif des personnes ayant entre 20 ans et 40 ans reste stable : 40 % et 39 %, respectivement. L’importance des personnes ayant entre 40 ans et 60 ans a augmenté de 4 points, passant de 31 % à 35 %. Ceux dont les âges sont compris entre 60 ans et 75 ans ont doublé d’effectif, comme d’importance relative, passant de 5 % à 10 %.

Les seniors ayant dépassé les 75 ans ont également doublé d’effectif et presque d’importance relative, passant de 0,9 % à 1,5 %.

Une évolution de la pyramide des âges est sensible, qui se caractérise par un effritement de la population jeune, un tassement des groupes correspondant à l’âge actif et un doublement d’effectif pour les seniors. Si l’on compare ces deux fractions, ont constate que :

• la moitié des naturalisés a entre 20 et 40 ans, ceci se vérifiant seulement pour un tiers des mononationaux,

• la situation est inverse, parmi les 40/60 ans, tranche correspondant à plus d’un tiers (3 %) des mononationaux, contre un quart (26 %) pour les naturalisés,

• parmi les 60/75 ans, les mononationaux sont plus importants : 11 %, contre 7 %, • les différences s’estompent dans les deux extrêmes de la pyramide : le groupe des jeunes de moins de 20 ans représente 15 % pour les mononationaux et 14 % pour les naturalisés, cette proportion étant, pour les personnes dont l’âge dépasse 75 ans, de 1,4 % et 2,2 %, respectivement. Bien que commune aux diverses composantes de la communauté, la tendance vers le vieillissement ne progresse pas à rythme égal :

• parmi les mononationaux, les jeunes de moins de 20 ans représentaient un quart (26 %) de la population en 1990 ; ils en représentent désormais un septième (17 %), alors que les seniors ayant plus de 75 ans ont évolué de 1,4 % à 2,2 % • parmi les naturalisés, on observe une relative stabilité des jeunes de moins de 20 ans, passés de 16 % à 14 % au cours de la décade, alors que les personnes dont l’âge dépasse les 60 ans sont passées de 2 % à 9 %.

Un cinquième (20 %) des nouveaux arrivants avait moins de 20 ans, les deux tiers (76 %) ayant entre 20 et 65 ans. Dans cette population, 1683 personnes avaient en 1999 plus de 60 ans, dont 220 hommes et 598 femmes ayant dépassé les 65 ans au moment du départ du Portugal.

II.4. Caractérisation des personnes âgées

En 1999, 18 centenaires, 10 femmes et 8 hommes ont été recensés, au sein de la communauté portugaise, dont 15 mononationaux et 3 naturalisés.

Le nombre des personnes de plus de 90 ans a presque triplé, passant de 300 à 851. L’effectif des personnes dont l’âge dépasse les 75 ans a doublé, passant de 6 861 à 12 005 personnes. Bien que significative, cette évolution apparaît diluée dans la masse de l’effectif : les trois quarts de la communauté sont en âge actif (de 20 ans à 60 ans) et seuls 1,5 % ont dépassé les 75 ans.

Néanmoins, une analyse plus fine permet de prévoir, à court terme, un très fort bouleversement de la pyramide des âges : en l’an 2005, près de 90 000 personnes auront plus de 65 ans ; en 2010, ils seront près de 145 000 et représenteront presque un cinquième (18,5 %) de l’ensemble.

Le rythme du vieillissement est semblable, entre naturalisés (de 2 % à 9 % pour les plus de 60 ans) et mononationaux (de 5 % à 12 %), la différence d’incidence du groupe d’âge relevant des critères rete-nus pour bâtir les typologies, plutôt que de causes démographiques : les descendants de mononationaux demeurent généralement sous cette rubrique, du moins jusqu’à leur majorité, ce qui n’est pas le cas pour les enfants de naturalisés, qui seront comptés parmi les mononationaux français dès la naissance

III. PROBLÉMATIQUE :

III.1. Vers une nouvelle forme de regroupement familial ?

Parmi les Portugais venus s’installer en France au cours de la décade écoulée, 818 avaient plus de 75 ans et donc, dépassé l’âge minimal de la retraite, avant le départ ; parmi eux, 37 ont déclaré être actifs en 1999. Restent donc 781 personnes n’ayant pas d’activité professionnelle.

Une hypothèse explicative consiste à voir dans ce flux l’arrivée en France de la « génération zéro », constituée par les ascendants des primo-migrants, désignés comme « première génération ».

Des recoupements restent à faire, notamment en ce qui concerne l’environnement familial de ces personnes et leur segmentation par groupes d’âges plus détaillés, afin d’essayer de déterminer la fréquence de situations connues de manière empirique, telles que le cas des ascendants dont l’âge requiert un accompagnement continu, ou en situation de dépendance et isolées au Portugal, dont la venue en France est considérée préférable à la migration interne, vers un centre urbain. Le fait que le nombre de femmes soit le double de celui des hommes, parmi les arrivants de plus de 75 ans, peut conforter cette explication.

Des difficultés sont prévisibles, notamment lorsque le besoin se fera sentir d’hospitaliser et d’installer dans des centres d’accueil ces personnes, non-francophones et dont les habitudes quotidiennes ne coïncident pas totalement avec celles ayant cours en France.

L’un des axes de ce thème se répercute dans la problématique du retour, abordée un peu plus loin : il semble y avoir une relation de causalité directe entre l’ajournement et a fortiori l’abandon du projet de retour au Portugal des primo-migrants et l’arrivée des ascendants de ceux-ci, qui en constituerait un indicateur.

III.2. Le retour vers la France de ceux qui étaient… rentrés au Portugal ?

Les données sus-mentionnées nous permettent de savoir combien de personnes ont été recensées en France en 1999, qui n’y résidaient pas en 1990. Mais il est impossible de savoir combien parmi eux avaient préalablement vécu en France et relèveraient donc d’un paramètre distinct : l’échec de la réinstallation au Portugal.

Des cas sont connus, dans lesquels le projet du retour n’avait pas évolué, était resté inchangé pendant des décades et n’a pas supporté la confrontation à la réalité : ouverture de petits commerces dans des localités désormais desservies par de grands hypermarchés et centres commerciaux, réinstallation dans des zones désormais dépeuplées, projets de vie en autarcie économique, etc.

Un autre facteur peut déclencher la décision de revenir s’installer en France, dont des exemples sont également connus : le choix du pays est établi en fonction du prestige et de la qualité du système et des infrastructures de santé, les conditions existant sur place étant souvent considérées supérieures à celles du Portugal et en particulier, dans les régions ayant fourni les plus gros contingents aux flux migratoires.

III.3. Le cas des « itinérants »

Le mouvement pendulaire entre les deux pays est une donnée caractéristique des Portugais établis en France, dont la presque totalité a toujours passé les vacances au Portugal, dans les localités d’origine, la majorité étant propriétaire. Mais très nombreux sont également ceux qui font plusieurs voyages dans l’année, souvent au rythme du calendrier agricole, des fêtes religieuses, ou des évènements familiaux. Cette population se trouve actuellement en pleine progression : la montée en âge entraîne une augmentation très sensible du nombre des retraités, dont la nouvelle disponibilité permet d’augmenter la fréquence des voyages, comme la durée des séjours.

Qu’en sera-t-il, lorsque ces personnes devront, d’abord diminuer le nombre des voyages et, par la suite, s’en passer, pa les effets cumulés de la dégradation de l’État de santé et de la perte d’autonomie ?

Aucun élément ne permet d’anticiper le choix de fixation définitive, d’en connaître les proportions, et le besoin se fait sentir de réaliser des recherches de terrain ciblées, devant aboutir à une meilleure connaissance des pratiques et des projets des intéressés, chaque décision étant individuelle et établie en fonction d’un certain nombre de dilemmes : maintien de l’ancien projet du retour, facteur déterminant de la décision d’émigrer et élément justificatif des conditions de vie quotidiennes en France, versus proximité avec les descendants, pour qui la fixation en France semble majoritairement acquise.

amélioration de la qualité de vie, par l’augmentation du pouvoir d’achat qu’entraîne l’installation au Portugal, pour des personnes percevant des fonds de retraite français versus préservation du droit d’accès à l’infrastructure médicale et hospitalière française.

IV. L’HYPOTHÈSE D’UN RETOUR MASSIF :

Tout l’effort du Portugal, réel, de modernisation et d’équipement en infrastructures adaptées a été conçu en fonction de la population résidente et non d’un éventuel arrivage massif de plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs supplémentaires ; il est donc prévisible que cette surcharge, si elle devait avoir lieu, ne manquerait pas de déstabiliser des équilibres, déjà mis à mal par le vieillissement de la population portugaise résidente, l’un des plus marqués d’Europe.

Cette population aura passé un grande partie de sa vie en France et en a été, partiellement du moins, acculturée, ayant adopté des habitudes de comportement comme de consommation, alimentaire, médicamenteuse, etc., qui ne coïncident pas nécessairement avec celles en usage au Portugal.

D’un point de vue économique, des situations de précarité sont prévisibles, pour les personnes n’ayant pas de revenus spécifiques au Portugal et bénéficiaires en France de systèmes, tels que le Fonds national de solidarité ou des pensions sociales du régime non-contributif, qui ne sont pas exportables.

Le flux des retours de France a toujours été régulier, oscillant au tour d’une moyenne annuelle de 15 000 à 20 000 personnes, malgré l’accélération enregistrée au début des années 1980, due à la conjonction de l’aboutissement du projet initial d’épargne et à l’offre d’une prime gouvernementale dite  » de retour  » Rappelons que le flux des nouvelles arrivées vers la même période, de 1980 à 1990, était de l’ordre de 10 000 à 15 0006 personnes, pour, la décade suivante, descendre à près de 5 000 cas.

On peut ainsi estimer, de manière très grossière, le volume global des retours entre 1980 et 2000, à près de 350 000, compensé par les arrivées qui s’élèvent à près de 150 000 pour la même période, le solde migratoire des Portugais résidant en France étant donc de 200 000 personnes, partiellement compensé par les naissances survenues sur le territoire.

La Caisse nationale d’assurance vieillesse compte, actuellement, près d’un million deux cents mille (1 200 000) Portugais vivants et inscrits sur ses registres : ce chiffre comprend une fraction des travailleurs saisonniers, n’ayant jamais résidé durablement sur le territoire français, mais aussi des primo-migrants de la première vague des années 1960, rapidement rentrés et enfin tous ceux ayant eu une courte expérience professionnelle sur le territoire français, pour transiter ensuite vers l’Allemagne, le Luxembourg ou la Belgique.

Nonobstant, ce chiffre rapporté au poids actuel de l’effectif de la population

V. EXEMPLARITÉ ET EXTRAPOLATION :

Le Portugal possède un indéniable sa-voir-faire en matière d’émigration, son expérience étant pluriséculaire. L’importance de la présence portugaise en France est, en effet, loin de constituer un cas unique : plus de deux mil-lions de Portugais vivent sur l’ensemble du continent américain, les flux ayant été antérieurs à ceux qui se sont versés en Europe.

Concernant le Brésil, le premier grand flux migratoire date de la seconde moitié du XIX siècle et il est notoire qu’il n’y a pas eu de retours massifs : les seuls cas connus, qui ont fourni à la littérature portugaise le type du « Brasileiro », sont ceux des personnes ayant fait fortune, souvent de la première vague des départs et qui étaient d’une origine sociale assez favorisée. Ils ont été suivis par le gros du contingent d’origine socioprofessionnelle assez semblable à celle des Portugais qui viendront plus tard en France et qui eux, ne sont qu’exceptionnellement revenus vers le Portugal..

Le seul cas de retour massif, très important numériquement puisqu’il a concerné plus d’un demi-million de Portugais, est celui des « Retornados » e 1975, qui vivaient dans les colonies africaines et sont rentrés au moment de leur indépendance. Il convient d’ailleurs de signaler à ce propos la remarquable capacité d’absorption, de réintégration du Portugal, dont cette fraction représente aujourd’hui près d’un dixième de la population totale, sans pour autant être restée à part, ni marginalisée, ni stigmatisée.

VI. CONCLUSION :

L’absence de précédent historique ne saurait constituer une garantie suffisante, fournir la certitude qu’il n’y aura pas de phénomène de retour massif et ceci d’autant moins que les progrès des trans-ports et l’aisance des déplacements n’ont jamais atteint un tel degré de facilité.

Concernant l’objet de notre recherche, les Portugais de France, une nouvelle donne surgit, fondamentale, dont il est impossible de mesurer pour le moment les effets : l’adhésion du Portugal aux Communautés européennes et les conséquentes répercussions des cadres politique et législatif, sur la circulation des citoyens communautaires.

Il est beaucoup trop tôt pour en mesurer la portée, mais il est notoir qu’actuellement, au traditionnel mouvement « de balancier » qui est en progression, un significatif mouvement dit « de retour » s’ajoute, qui caractérise les jeunes d’origine portugaise, partis au Portugal dans le cadre de leurs études supérieures, engranger de l’expérience professionnelle ou, plus simplement, s’y établir.

Les paramètres sus-mentionnés, rapidement survolés, constituent autant d’axes de recherches à mener, requérant l’emploi d’autres sciences et la diversification des approches, allant de la psychologie sociale à l’économie et de l’histoire à l’anthropologie, la multiplicité des thèmes devant intégrer les dimensions synchronique et diachronique.

Enfin, le besoin se fait de sentir, de réaliser des études ciblées, géographiquement, car rien ne prouve que la situation observée sur le plan national ne connaîtra pas de sensibles variations locales, relevant de la thématique de l’intégration et des conditions de vie en France.

Voici donc un grand pari, un enjeu majeur, pour lequel il conviendrait de mobiliser toutes les volontés, dans lequel des dizaines de chercheurs et étudiants peuvent s’investir.

RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :

Population immigrée, population étrangère en France Métropolitaine, collection tableaux thématiques, Recensement de la population de mars 1999, Institut national des statistiques et des études économiques – Insee, vol. de 232 pages + cédérom.

Notes :

1. La prise en compte de cette baisse seule, due en grande partie aux problème typologiques susmentionnés, a été à l’origine d’un certain nombre de propos alarmistes, véhiculés par la presse. 2. Ces personnes, recensées en 1999, ne résidaient pas en France en 1990 : elles représentent le flux global des arrivées en territoire français, dans le cadre de la mise en application de la liberté de circulation et d’installation dans l’espace de l’UE.

3. Données de la direction des populations et des migrations, du ministère de l’Emploi et de la solidarité

4. Dont 65 % Portugais/Française et 35 % Portugaise/Français, le total, pour la période, ayant été de 32 000 (Insee)

5. En 1992, lors de la mise en application de la liberté de circulation pour les salariés, un afflux de 14 000 personnes a été enregistré, dû à la régularisation de situations antérieures de clandestinité, plutôt qu’à la reprise des flux des arrivées, explication que les faits se sont, depuis, chargés de confirmer. de la communauté portugaise de France, qui est inférieur à 800 000 personnes, montre l’importance du problème.

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